27 octobre 2011

Restless

Enoch, lassé de vivre depuis la mort de ses parents, se réfugie dans la solitude en compagnie des morts qu'il va rendre visite aux enterrements et d'un fantôme japonais qu'il s'invente. Annabel, en phase terminale d'un cancer, est fascinée par la vie et fait preuve d'un épicurisme impressionnant face à la tragédie. Devant un tombeau, les deux adolescents se rencontrent. Ils se ressemblent un peu, se complètent beaucoup, et bientôt ils ne peuvent plus se détacher l'un de l'autre.
On ne présente plus Gus Van Sant, un des cinéastes américains indépendants les plus respectés du grand continent. De ses films expérimentaux et très personnels (Mala Noche, My Own Private Idaho, Gerry, Elephant...) à ses plus populaires (Will Hunting, A la rencontre de Forrester, Harvey Milk), le cinéaste a su marquer les esprits avec une filmographie éclectique mais aux thèmes récurrents. L'adolescence et la mort viennent une nouvelle fois parasiter son nouveau film, Restless, qui s'inscrit plus dans la veine populaire que ses précédents films. Éloigné de sa quadrilogie de la mort, malgré son synopsis peu surprenant, le film empreinte la douceur et une simplicité de ton très proche de Will Hunting.
C'est d'ailleurs une des grandes surprises de Restless, qui commence pourtant assez dangereusement. Les deux adolescents, lunaires, décalés (comme souvent chez Van Sant) font connaissance en même temps que les spectateurs les apprivoisent. Singuliers, ils touchent mais laissent un point d'interrogation sur la suite du film : où Van Sant nous mène t-il ? Au contraire de l'impression donnée – et au bénéfice du film – Restless ne joue jamais la carte expérimentale que l'on pouvait attendre voire redouter du cinéaste. La force du film est qu'il se concentre uniquement sur cette rencontre, sans fabulations ni expérimentations de forme. Dans un Portland grisé par un automne qui dépéri peu à peu le paysage urbain, Enoch et Annabel se construisent une bulle que capte la mise en scène au détriment de vouloir la représenter. Si certains pourront reprocher ce choix du cinéaste, ce serait peut-être oublier que les mises en scène les plus simples sont souvent les plus parlantes. Ici, Van Sant est éblouissant d'humilité, laissant à son couple de comédiens fascinants la possibilité de se mouvoir dans sa ville natale, et de laisser corps à leurs personnages. Amour, déceptions, désir, deuil... Restless est un condensé de vie d'une heure et demie qui a cette grande qualité de préférer la pudeur au sentimentalisme. Extraverties, les émotions sont un jeu (la mise en scène du jeune couple qui simule la mort d'Annabel) ; cachées elles deviennent véritables (Enoch s'isole à l'hôpital).
Bien que moins dépouillé que certains autres de ses grands films, Van Sant signe, cela étant, un de ses longs-métrages les plus bouleversants, où son cinéma obsessionnel s'efface devant un regard quasi neutre, sûr de lui, qui témoigne d'une maturité qui n'a plus besoin de se montrer. Discrètement précieux.


Réalisé par Gus Van Sant
Avec Henry Hopper, Mia Wasikowska, Ryo Kase
Film américain | Durée : 1h35
Date de sortie en France : 21 Septembre 2011

5 avis gentiment partagé(s):

Flow a dit…

Tout à fait d'accord avec toi!
Un film sur la mort en forme d'ode à la vie. Essentiel.

Squizzz a dit…

La mise en scène de Van Sant est effectivement moins expérimentale que parfois, mais elle n'en est pas moins maîtrisée et il s'en dégage une douceur, un tendresse, une poésie, absolument délicieuses.

Jérémy a dit…

Je suis d'accord avec vous deux, évidemment.
Van Sant joue la simplicité, et prouve qu'elle n'est pas antithétique avec la poésie - au contraire !
J'ai apprécié autrement 'Restless' que ses autres films, que j'adore par ailleurs. Je m'attendais à être le spectateur d'une œuvre complexe, j'ai été bouleversé par la sensibilité naturelle, presque facile, du film. Un vrai coup de coeur.

Yoyi a dit…

Un film glauque, repoussant, limite honteux prouvant, de même, que Van Sant lui aussi est devenu une marque de fabrique (comme un certain Burton ou un certain Tarantino )

Jérémy a dit…

Limite honteux, oui très très limite ! Glauque, oui, en un sens. Mais ce n'est pas une défaveur à mon goût : Van Sant n'est pas un contemplatif du beau, mais plutôt un obsédé du mal.
Et sans rerererentrer dans le débat, ca fera presqu'un siècle qu'on parlait déjà de la "Lubitsch' touch" : la marque de fabrique chez les cinéastes ne date pas d'hier. Comme quoi les meilleurs artistes ne sont que des gâteux !
(Par contre le dernier film de Burton n'est plus un film de Burton, je suis d'accord)

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