13 juillet 2011

Harry Potter et les reliques de la mort - partie 2

L'évènement cinématographique du mois du juillet, c'est celui-là : dix ans après l'adaptation du premier volet de J.K Rowling, l'aventure prend fin avec la deuxième partie du dernier volet de la saga Harry Potter. Devenue une immense industrie installée dans les studios Leavesden à quelques kilomètres de Londres, le sorcier à lunettes aurait fait tourner les têtes de millions d'adolescents, à la fois sur papier et sur la toile. Alors que la magie (et ce qu'elle rapporte) veut être logiquement conservée - un parc Harry Potter, un musée, un nouveau site Internet... - la fin sur la toile est bel et bien à digérer. Passée sous les mains de plusieurs metteurs en scène (Chris Columbus pour les deux premiers volets plus enfantins, le mexicain Alfonso Cuaron pour le changement du troisième, le british Mike Newell pour le pilier, et l'anonyme David Yates jusqu'alors) mais toujours sous l'œil attentif des producteurs David Barron, David Heyman et de sa maman de papier, la saga aura définitivement marqué le paysage du blockbuster.
Et bonne nouvelle, les fans de la première heure n'iront certainement pas bouder son final en apothéose. Divisé en deux parties et outre l'aspect économique, cette décision aura au moins le mérite de proposer aux lecteurs deux adaptations très fidèles. Fluide, le scénario ne s'étend jamais ni s'embobine rapidement sur des passages en creux : le soin apporté est tout aussi évident que le budget colossal mis à contribution. Les séquences d'effets spéciaux sont tout simplement extraordinaires. La grande bataille entre les forces du bien et du mal promettait un spectacle de haute voltige. Le résultat est à la hauteur des attentes, les deux heures de film se consommant avec un plaisir sans limite.
Mais c'est surtout dans la singularité esthétique du film que la réussite est accomplie. Cohérente, l'empreinte visuelle d'Harry Potter existe bien. Photographie sublimée, mouvements de caméra vertigineux et des séquences de respiration sublimes (la gare entre les deux mondes, la séquence de la pensine de Rogue, l'une des plus belles de la saga...), on ne peut reprocher aux films d'assurer une certaine qualité de forme.
Et même si dans ce spectacle assumé les facilités populaires peuvent faire sourire - belle poussée d'hormones dans ce final ! - ce dernier volet d'Harry Potter n'ira pas ternir la fresque mais au contraire lui donne un point final pétaradant et sensible (l'épilogue marcherait presque mieux dans le film que dans le livre). Mais la fin n'est qu'une étape vers un éternel recommencement, c'est peut-être une des paraboles qui se glissent entre les lignes d'Harry Potter. On n'en espère pas moins de cette série générationnelle et de son héritage dans les salles obscures magiques.


Réalisé par David Yates
Avec Daniel Radcliffe, Rupert Grint, Emma Watson
Film américain | Durée : 2h10
Date de sortie en France : 13 Juillet 2011

8 juillet 2011

Dossier #03 : Le Village : foi et humanisme

Le Village de M. Night Shyamalan
Foi et Humanisme


Avant-propos : Quelques pistes de réflexions et d'analyse sur un film et un réalisateur que j'apprécie particulièrement. Attention pour ceux qui n'auraient pas vu le film, ou Sixième Sens... les spoilers sont inévitables !
Pour les curieux connaisseurs j'espère que ces quelques pistes pourront vous intéresser.... et pourquoi pas créer le débat ! C'est le but ;) .

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Né le 6 août 1970 à Pondichéry, enfant d'une famille aisée d'origine indienne installée à Philadelphie, Manoj Nelliyattu Shyamalan était d'abord prédestiné à devenir médecin selon la tradition familiale. C'est finalement le cinéma qui l'intéresse très jeune, filmant des court-métrages amateurs avec sa caméra Super 8. Diplômé d'une école de cinéma à Manhattan, il signe un premier long-métrage financé par ses amis et ses parents, Praying with Anger en 1992. Six ans plus tard, Éveil à la vie, son deuxième film, sort dans les salles. Appréciés sans être des succès, il faudra attendre 1999 et le carton de Sixième Sens pour trouver la renommée attendue et le style déjà singulier de son auteur : un mélange d'horreur et de métaphores au service d'un récit à twist final. Et la recette prend bien : Incassable (2000), Signes (2002), et Le Village (2004) sont des réussites. Aujourd'hui à la dérive d'un public et d'une critique à juste titre moins optimistes (La Jeune fille de l'eau, Phénomènes, Le Dernier Maître de l'air) M. Night Shyamalan déçoit et semble faire de plus en plus attendre son retour vers un cinéma camouflé, au combien intelligent derrière ses allures de films à vedettes et de box-office.

C'est peut-être le plaidoyer de cette chronique – si tant est qu'il y en ait une – à savoir que si M. Night Shyamalan fait aujourd'hui grincer des dents, il nous a, hier, offert quatre œuvres sublimes, des productions américaines implacablement différentes et qui auront marqué la toile du début du XXIème siècle.

Souvent sous-estimé à mon goût, incroyable chef d'œuvre ingénieux et inépuisable (toujours à mon goût !), Le Village a laissé sa trace indélébile dans mon panthéon secret des films qui m'ont, le temps d'un instant, bouleverser et fait rêver. Peut-être le plus abouti, en tout cas regroupant toutes les idées hantées de son cinéaste, le film se digère au-delà de la manipulation thématique, ce qui en fait son unicité même à la clôture d'une quadrilogie. Retour sur un film envoûtant et un cinéma que l'on regrette d'avoir un peu perdu chez son cinéaste inspiré.


Forces naturelles et surnaturelles

Dans l'imaginaire de beaucoup d'auteurs, le fantastique remplit deux rôles. D'une part écarter le récit d'un naturalisme peu accrocheur afin de faire voyager l'esprit du spectateur, l'emmener dans une réalité inconnue jusqu'alors. D'autre part à refléter allégoriquement des vérités bien concrètes et téméraires. Ces deux rôles forment en quelque sorte deux couches superposées, qui se révèlent selon l'appréhension de l'œuvre. Simple divertissement évasif ? Morale masquée ? L'intérêt du fantastique dans les livres et les films se trouve dans cette double lecture. Si Les Fables de La Fontaine ou Vingt-Mille lieux sous la mer de Jules Verne peuvent paraître au premier abord une littérature enfantine, c'est oublier que l'un détournait une censure abusive et l'autre condamnait des idéologies convaincues et destructrices. Le Village s'imprègne de ce pouvoir d'expression. Chez M. Night Shyamalan comme chez beaucoup d'autres, le surnaturel est toujours le reflet d'une conscience humaine et le prisme d'émotions bien réelles. Et comme chez beaucoup d'autres auteurs également, des thèmes chers hantent sans cesse ses films malgré leur différence. Le Village, de la même façon que Sixième Sens, Signes et Incassable, thématise la douleur du deuil. Comment se reconstruire après une destruction ? Comment rester les mêmes quand tout a changé ? C'est le combat perpétuel de chaque protagoniste, d'un père de famille assassiné qui n'accepte pas la mort et l'abandon, d'un ancien prêtre qui perd la foi après le meurtre de sa femme, d'un homme ordinaire qui survit miraculeusement à une catastrophe... et de plusieurs personnes meurtries par l'assassinat inhumain d'êtres chers. Le Village a cela d'ambitieux qu'il hisse les ambitions thématiques à un degré supérieur. Le deuil n'imbibe plus seulement un personnage principal isolé, mais tout un village né dans le secret. Sous cet angle, le film est sans doute le plus abouti de Shyamalan car il pousse les limites du symbolisme jusqu'au paroxysme. Là où le surnaturel était un prétexte narratif à de réelles ambitions morales et philosophiques, ici il devient un prétexte au cœur de la narration. Ce n'est non plus Shyamalan qui utilise l'artifice du fantastique mais ses propres personnages, ces Anciens qui tiennent à tenir dans le secret et la peur leur village fermé et temporairement décalé. Il y a une sorte de mise en abyme directe à la création fantastique où ce n'est non plus le spectateur qui se questionne sur le symbolisme du fantastique mais les protagonistes eux-mêmes.

Sont-ils dans la vertu ? Ont-il commis une erreur ? L'approche distante, quasi documentaire de la mise en scène (la caméra épaule donne parfois des allures de reportage) reflète ce changement de processus et fait du Village un film intéressant dans sa forme.

Les questions morales que se posent les Anciens sont logiquement celles que pose le film dans sa seconde lecture interprétative. De la même façon que certains dictateurs, ces derniers utilisent la peur (la forêt environnante peuplée de monstres empêcherait les villageois de partir dans les villes) afin de les relier à leur cause. Si la décision part d'une intention protectrice et vertueuse, est-elle pour autant défendable ? Et quand Lucius, un homme respectable du village, se fait agressé et flirte avec la mort sans médicaments des villes, le débat ne peut plus être écarté.

Le regard sociétale est donc évident. La critique peut même s'étendre sur l'Amérique toute entière, et sa politique d'autarcie dominante. Mais la portée thématique ne semble pas le plus important chez Shyamalan. Le Village, avant et plus que d'être la critique sociale que l'on peut en voir, est avant tout un vrai film de cœur à hauteur d'hommes. Le fantastique, l'étrange et l'épouvante n'ont jamais vocation à détourner des messages bien sentis comme peut le faire par exemple Romero. Chez Shyamalan, l'intérêt réside avant tout dans les forces affectives que l'homme peut trouver en lui. Le surnaturel angoissant est ici pour donner du poids à la balance, à ces questions d'homme à homme. Jusqu'où sommes nous prêts à aller par amour ? De quoi sommes nous capable ? Le Village a cela de beau qu'il pose ces questions sans concession. En vérité, l'inexplicable ne réside pas seulement (du tout) dans l'obscurité et les sons de ce bois mystérieux mais surtout dans le cœur de ses habitants avant tout humains avant d'être des villageois cloisonnés. Et particulièrement celui d'Ivy, femme éperdument amoureuse de Lucius, prête à défier les monstres pour aller chercher les médicaments en ville.

Pour arriver (enfin !) sur quelques réflexions formelles, il est intéressant de voir comment Le Village s'impose comme un vrai film d'amour sur l'amour en évitant les archétypes du genre. Shyamalan parvient à imprégner à sa mise en scène la cécité de son personnage. Tous ses sens sont éveillés, et pas seulement celui de la vue. Si l'ouïe est souvent la source d'angoisse, le toucher est la marque de l'affection et du dévouement.


Lucius, l'observateur lucide et discret, remarque que sa mère et Walker ne se touchent jamais. Cet échange n'est pas anodin, il reflète un des aspects les plus importants de la mise en scène affective de Shyamalan dans Le Village. Le toucher est un symbole émotionnel fort. De la compassion à l'amour, c'est peut-être la première quête de ces villageois secrètement liés par la tragédie.

Hunt et Walker, reflet (et indice) de la souffrance qui pèse dans le village. Leur symptôme : l'absence de contact physique.


Le film s'ouvre symboliquement par la perte d'un être cher et sa cérémonie d'adieu. L'exposition problématise déjà tout le récit, l'histoire ne fera que se répéter. Déjà, une main se referme en remerciement.
Toucher est l'unique façon pour Ivy de percevoir les choses. Des griffes et une réserve, c'est de cette façon que la supercherie lui est révélée. Sa cécité n'est donc sans aucun doute un détail futile : grandie et courageuse de par son handicap, elle est l'espoir qui ébloui le village, celle qui touche et ressent les choses. Cette pureté et cette innocence innées (qui fera perdre ses mots au jeune agent de la ville) représente ce qu'essaient de retrouver les Anciens. Étouffés dans ce monde anonyme qui tourne trop vite et parfois incompréhensible, le village est justement une bulle protectrice de camaraderie décalée dans l'époque. La critique sociétale est évidente, cet espace où les gens n'ont pas peur de se toucher et de communiquer entre eux représentant l'anti reflet parfait de nos sociétés modernes.

Dans cette séquence forte, où Lucius vient sauver sa future promise, Shyamalan concentre sa mise en scène sur le lien charnel qu'attend et espère Ivy (premier et deuxième photogrammes). Lorsque les deux mains se serrent enfin, le destin est d'ores et déjà scellé : guidée par l'homme attendu, Ivy tombe profondément amoureuse. Spectateur de la scène, Noah, personnage qui n'a du touché qu'une perception de violence, commence à sombrer dans la jalousie maladive. Cette séquence pilier, sous la marque de l'attache physique et affective, renverse le film dans la tragédie romantique, le véritable genre au-delà de l'épouvante et des (faux) monstres.


Une mise en scène de l'épouvante

Mais tout en singularisant son style dans sa force émotionnelle et ses interrogations humanistes, Shyamalan ne reste pas moins un metteur en scène de thriller inspiré. Adulateur d'Hitchcock, quelques indices d'hommage trainent ici et là (la télévision miroir dans Signes et La Mort aux trousses par exemple) mais c'est surtout le sens du suspens qui importe sur ces inspirations.

L'esthétique visuelle du Village est, de la même façon qu'Hitchcock dans une certaine mesure, d'une grande simplicité. L'artifice n'est pas une priorité pour Shyamalan. Pour se protéger des extra-terrestres, dans Signes la famille met des casques en aluminium et le bad guy cartoonesque d'Incassable est un vieillard handicapé. Le hors-champ (ou le média intermédiaire dans Signes et Phénomènes) est sans cesse privilégié à l'effet visuel claquant. Les monstres eux-mêmes dans Le Village n'ont rien de proprement pittoresques. Éloigné d'un cinéma hollywoodien tapageur, le réalisateur préfère stimuler l'imagination plutôt que de la contraindre. Dans la même époque, Le Secret de Blair Witch avait su terrifier des millions de personnes en ne montrant... rien. Bien entendu, l'angoisse du hors-champ n'est en rien une innovation mais bien une des marques de la cinéphilie avouée de Shyamalan, qui a notamment grandi avec Steven Spielberg (impossible ne pas penser à Duel, le film du hors-champ par excellence). L'épouvante du réalisateur se rapproche quant à elle plus du style de Stephen King : provocateur dans sa forme violente mais soignée, inépuisable dans son fond.

Le soin de la mise en scène est, dans Le Village, particulièrement frappant. Sans jouer la virtuosité d'exercice à la Sixième Sens, le film est d'une forme quasiment épurée. Les nombreux plans séquence en sont la marque. Le Village prend souvent des allures de théâtre filmé, ce qui est dans le sens premier de l'histoire une vérité de ton, ce village étant à lui seul une mise en scène qu'il suffirait alors de filmer.

Mis côte à côte, ces deux photogrammes sont troublants dans leur similarité. Décor pauvre, personnages face à face en plan américain, la théâtralisation de la mise en scène est frappante. D'autant que le procédé est souvent répété. Plus que d'installer une forme esclave à l'action, ce parti pris est aussi un moyen pour Shyamalan d'épurer ses dialogues de force (tous les échanges cruciaux sont filmés en continu, le chemin vers l'abri étant le plus évident) en renforçant l'importance du jeu d'acteur. La mise en scène disparaitrait presque dans cet exercice de transparence, de la même façon que les rapports humains mettent en péril la mise en scène des Anciens.

- Pourquoi ne dis-tu jamais ce qu'il y a dans ta tête ?
- Pourquoi dis-tu toujours ce qu'il y a dans la tienne ?
La déclaration d'amour paradoxale - et magnifique - du film, sous la forme d'un plan séquence fixe (2min30).

L'inspiration hitchcockienne semble évidente dans ses effets d'annonce (la caméra en plongée sur le champs, simule déjà l'arrivée de l'avion). Ici, la caméra se place à plusieurs reprises dans l'espace mystérieux, dans la source de l'angoisse. Chaque film de Shyamalan est en quelque sorte une plongée masochiste vers nos peurs les plus primaires : ci-dessous le bois environnant dès le générique et l'intérieur sombre d'une maison fracturée.

Du générique sombre en forêt...

... à une séquence de suspens pur : même technique d'anticipation.

Contrôler l'angoisse d'autrui, c'est le contrôler tout à fait. De la même façon que les Anciens terrifient leurs confrères, Shyamalan joue avec son spectateur. Et ce jeu prend aussi des allures interprétatives intéressantes, ici le refrain du reflet constituant le cœur de la mise en scène manipulatrice de son auteur.

Les images comme les apparences peuvent être trompeuses. Le premier reflet ment tandis que le second, plus distinct, révèle. Shyamalan met sans cesse son spectateur en garde du pouvoir visuel. Habitués à voir et consommer les images, on en oublierait presque de les regarder véritablement. Un peu comme un Narcisse naïf, ici le spectateur se fait avoir par un reflet mensonger.


Spectateur et point de vue

La lecture chez Shyamalan, et d'autant plus pour Le Village, est à prendre avec des pincettes. Le réalisateur aime manipuler le spectateur, le tromper, le guider vers les mauvais chemins. Un film de Shyamalan est un peu une partie de cola maya : l'obscurité nous empêche de saisir la vérité, jusqu'à la fin ou la lumière se révèle enfin. Cette manipulation est tout à fait de l'ordre du jeu. Elle s'inscrit chez le cinéaste comme un exercice de style inhérent à son genre de prédilection (le thriller, le film « d'horreur »...). Toute histoire est un mensonge, une tromperie. Un mensonge qui se doit de raconter une ou plusieurs vérités. La forme cinématographique de Shyamalan repose bien sur la récurrence du mensonge. Le Village va même un peu plus loin dans l'effet, car une fois révélé, le mensonge reste pour autant démenti dans le climax. Le spectateur est malmené, mais pourtant il est sans cesse diriger dans son regard.

L'utilisation du zoom peu à première vue paraitre surprenante (d'autant plus dans un premier plan). Il a en fait l'effet de situer le spectateur : à hauteur de ses personnages (la foule au premier plan), son regard est centré sur une action ponctuelle. Le spectateur se sent comme un villageois encapsulé par la réalisation catharsique de Shyamalan.

Ici, l'intérêt du zoom est sensiblement similaire. La récurrence des plongées donne cependant à la forme filmique une certaine distance, comme celle d'un point de vue omniscient qui vient quelques fois s'imposer. Le spectateur s'écarte ainsi à plusieurs reprises des protagonistes, pour trouver une certaine confidence avec le metteur en scène. Mais ce rapprochement n'est jamais très clair : le climax du film joue sur la même pirouette. Alors que le spectateur pense que l'auteur lui a enfin révélé le pot aux roses, la suite le fait douter. L'étrangeté de la relation entretenue avec son spectateur fait une des singularités de Shyamalan (Sixième Sens en étant le premier essai maitre).

La caméra guide toujours le regard, et retranscrit de par ses mouvements un regard extérieur crédible. Les deux exemples ci-dessus illustrent cette caractéristique pouvant sembler anodine. Alors que les personnages voient quelque chose d'abord hors-champ, un mouvement simule des yeux qui se baissent et vient capter l'objet en question. Cette considération du spectateur et de ce réalisme joue un rôle à part entière dans la mise en scène trompeuse de Shyamalan.

Cette mise en scène trompeuse n'épargne pour autant jamais les indices révélateurs qui rapproche la forme filmique de celle de l'énigme.

Dans Le Village, la chaise représente l'indice fil rouge. Assimilé à Noah dans le premier plan (sa chaise de l'isoloir), plusieurs du même genre, vides, viennent hanter le film. L'exemple le plus évident est la fin de la déclaration qui se clôture par trois points de suspension signes de danger. Les plans de coupe, derrière leur fonction purement illustrative, ne sont jamais épargnés de sens. Ici aussi, une chaise vide se retrouve de temps en temps. Enfin, Lucius semble déjà dans le viseur sur le plan séquence avec sa mère : une chaise vide, à côté des bougies, lui fait face comme un adversaire.

Lucius est d'ailleurs l'unique personnage où la subjectivité est utilisée à la différence d'Ivy, qui reste l'héroïne metteur en scène. Malgré ses jeux et ses intentions malines, Shyamalan porte évidemment beaucoup de respect et d'humanisme dans l'utilisation de ses points de vue. Mettre son spectateur à la hauteur du personnage de Lucius en est la marque ponctuelle comme dans ces trois plans. Dans le troisième (le dernier du film), la caméra passe du plan large à cette valeur ci-dessus. La subjectivité n'est pas parfaite mais légèrement décalée, comme si la nouvelle histoire ne nous appartenait déjà plus. Cette dernière identification est la marque d'un grand optimisme de fond et d'un espoir sans limite... ou lorsque qu'un jeu sur la naïveté devient à son tour naïf. Et la boucle est bouclée.



Réalisé par M. Night Shyamalan
Avec Bryce Dallas Howard, Joaquin Phoenix, Adrien Brody
Film américain | Durée : 1h48
Date de sortie en France : 18 Août 2004

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