18 avril 2010

Le Choc des Titans

Après s'être révélé avec Le Transporteur et avoir donné un nouveau souffle à la saga Hulk, Louis Leterrier confirme une nouvelle fois son aversion pour le cinéma hollywoodien. Ici, il s'attaque à la mythologie en prenant pour protagoniste Persée, un demi-homme demi-dieu, dont l'obsession est de se venger de Hadès, dieu des Enfers, qui a tué sa famille et projète de détrôner Zeus. La force de Persée est sa vengeance aveugle, celle d'Hadès la déchéance humaine.
Le fameux conflit commence plutôt bien. Après un classique résumé en voix off mais accompagné d'une animation réussie, le spectateur est bien accompagné dans le récit. Mais autant qu'il en profite : rapidement Le Choc des Titans révèle ses nombreuses faiblesses. Un trop plein de déjà vu vient tuer les références au profit d'une sensation de banalité exaspérante. Du conseil de Star Wars qui laisse place à des dieux (difficilement crédibles d'ailleurs malgré l'excellent casting) aux décors sortis du Seigneur des Anneaux, le film peine à trouver une identité propre car il n'innove en rien. L'action peine quant à elle à arriver. Cependant, une fois la première partie passée, Leterrier ne laisse aucun moment de répit en enchainant des séquences dynamiques bien maitrisées. Comme on pouvait s'y attendre - et heureusement - les effets spéciaux sont une réussite. Ce qui en est une beaucoup moindre, est l'utilisation de la 3D, complétement inutile et injustifiée. Elle ne force que les reliefs dans des focales très courtes, autrement, mieux vaut retirer ses lunettes !
Le casting est efficace mais les personnages trop caricaturaux. Pourtant parfait dans Avatar, Worthington en viendrait même à (déjà) agacer dans son jeu virile dénué de faiblesses ou de nuances. Zeus donne l'impression d'être un personnage touriste. Seuls le grand méchant Hadès - personnage caricatural par essence - est convaincant sous les traits d'un Ralf Fiennes dans son élément et le guerrier un peu moins silencieux mais toujours aussi efficace interprété par Mads Mikkelsen.
A noter la présence d'un Mouloud Achour qui donne mine de rien de la fraîcheur au récit et quelques petites scènes légères mais trop rares (la flûte, "tu ne ris jamais ?")... car il est clair que Le Choc des Titans est loin d'être le blockbuster intelligent que l'on pouvait attendre après L'Incroyable Hulk. Le film donne l'impression d'être joliment raté à la limite parfois du nanar : en parvenant à décrocher son cerveau au dessus de ses lunettes 3D inutiles, Le Choc des Titans peut s'avérer finalement un divertissement qui parvient à son but logique : divertir.


Réalisé par Louis Leterrier
Avec Sam Worthington, Liam Neeson, Ralph Fiennes
Film américain | Durée : 1h58
Date de sortie en France : 7 Avril 2010

17 avril 2010

Pars vite et reviens tard

Adapté du roman de Fred Vargas, Pars vite et reviens tard a bien les caractériques chères à son auteur : thriller se déroulant essentiellement dans Paris, sans violence physique ou sexuelle, et avec un lien entre un certain passé et le présent du récit. En s'attaquant à ce livre, Régis Wargnier (Indochine, Man to man) change de registre. La volonté de créer un thriller avant tout moderne se retrouve bien car la démarche est assez claire : dans un Paris moderne, des annonces étranges parlent du retour de la peste disparue de la capitale il y a plusieurs siècles. C'est comme si le temps passé remontait à la surface, ici en apportant un vent de panique et d'angoisse connue il y a fort longtemps.
D'étranges signes sur les portes à la Shyamalan, des lettres mystérieuses... une enquête policière assez classique débute avec pour protagoniste du film le commissaire Jean-Baptiste Adamsberg. Pars vite et reviens tard se révèle plutôt efficace : avec un scénario bien ficelé, le spectateur est guidé et dirigé jusqu'à l'écarter de la vérité. Dommage cependant que le suspens se voit désengorgé par un montage parallèle entre victimes et coupables alors que les fils de l'intrigue ne permettent pas de faire encore le lien entre les deux. Mais l'histoire a cette force de travailler sur le temps car si l'on se trompe peut-être à imaginer un Paris infecté comme au 18ème siècle, le passé est bien important et demeure le thème principal.
José Garcia, comique d'origine mais qui a déjà retourné sa chemise notamment dans La Boîte noire, signe une interprétation correcte mais son personnage semble souffrir à l'écriture d'un trop manque d'humanité. L'histoire avec son ex-femme, personnage très secondaire et qui le restera, ne prend pas. Pourtant, elle aurait pu aider le spectateur à s'identifier à cet inspecteur par la découverte de certaines faiblesses bien réelles. Hélas, Adamsberg reste froid et impassible si bien que son enquête professionnelle ne trouve pas de connivence avec sa propre enquête intérieure.
Dans une photographie sombre, un montage parfois osé dans des scènes de pensée étrangement réussies et une musique pesante de l'américain Patrick Doyle, Pars vite et reviens tard n'est pas la révolution du thriller français mais s'impose tout de même par sa sobriété et ses partis pris assumés, offrant au spectateur un film policier moderne frisant le fantastique et finalement plutôt original.


Réalisé par Régis Wargnier
Avec José Garcia, Lucas Belvaux, Marie Gillain
Film français | Durée : 1h55
Date de sortie en France : 24 Janvier 2007

16 avril 2010

The Reader

Adapté du célèbre roman de Bernhard Schlink, The Reader s'est incontestablement imposé comme l'un des films de l'été 2009. Mais les avis sont loin d'être homogènes : chef d'œuvre incontestable pour certains, pour d'autres le film - comme le livre - apporte une lecture douteuse et dérangeante de l'un des pires épisodes de l'Histoire humaine. Il est vrai que le risque n'est pas des moindres : une des protagonistes du film est une femme ayant travaillé pour les SS dans un camp de concentration.
Si The Reader divise l'opinion, il n'y a aucun mystère. Dès le début, le film annonce clairement qu'il a pour but de mettre à l'épreuve son spectateur. Croisement des époques dans un raccord regard assez subtile (thème qui semble cher au réalisateur qui croisait déjà les époques dans The Hours), pourtant le doute plane quant à un pathos trop présent sur la suite du récit. Mais le montage, efficace, parvient à instaurer au film une certaine sobriété. Daldry fait attacher son spectateur à ce jeune homme, tombé amoureux au hasard d'une ruelle, et bientôt à cette femme, plus vieille mais d'une sensualité et d'un naturel évident. Cette identification marche, rendant The Reader d'autant plus dérangeant... et finalement pertinent. L'ellipse temporel passée et l'annonce de la vérité sur cette femme faite, nous sommes égale à égale avec Peter : comment dissocier ses sentiments vécus et la prise de conscience de son ignorance ? Comment pardonner quand on ne peut oublier ? Car c'est bien du côté des bourreaux que notre moral se percute...
Le film pose des questions, et ne semble pas y répondre de lui-même. D'ailleurs le thème va beaucoup plus loin que cette histoire d'amour vécue entre une ex SS et un jeune homme allemand, qui est totalement fictive. Le décalage d'âge est bien l'allégorie de cette frontière qui existe entre une génération qui a vécu la guerre et, par collaboration ou inaction, a en grande partie joué un rôle dans le génocide juif. Comment apprendre des choses par des professeurs qui font eux-mêmes partie de cette génération ? Comment et pourquoi respecter nos propres parents ? Le Peter adulte, magnifiquement interprété par Ralf Fiennes, apporte cette complexité au récit par la complexité de son propre personnage. Quant à Kate Winslet, en grossissant les traits de son personnage d'abord intouchable puis peu à peu fébrile jusqu'à la vulnérabilité, elle brille et étonne encore.
The Reader n'est pas un regard sur le passé, mais sur un présent encore d'actualité, qui s'adresse et continuera de s'adresser aux générations futures. Ne pas oublier les erreurs du passé est une façon de croire encore à l'humain. Cette histoire littéraire ou adapté cinématographiquement ne fait qu'accroître cette foi en ce que nous sommes et pouvons faire... le pardon étant ici l'interrogation principale, et non pas une solution évidente. Car rien est évident et ce serait mal interprété le film de dire qu'il prône l'évidence de pardonner. S'il prône quelque chose, alors la réflexion et l'espoir en ferait plutôt partie. Et heureusement.


Réalisé par Stephen Daldry
Avec Kate Winslet, Ralph Fiennes, David Kross
Film américain, allemand | Durée : 2h03
Date de sortie en France : 15 Juillet 2009

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