26 mars 2010

Alice au Pays des Merveilles

Si un réalisateur a bien la pression à la sortie de chacun de ses films, c'est Tim Burton. Burton a bouleversé plus d'une fois les spectateurs et marqué indéniablement l'histoire du cinéma dans sa volonté de créer des œuvres riches et pouvant divertir le plus large public possible. D'Edward aux mains d'argent à Sleepy Hollow, d'Ed Wood à Beetlejuice, le génie est incontestable... mais l'attente est à chaque fois plus exigeante. L'excentrique réalisateur prend des risques considérables en adaptant à sa manière les deux œuvres célèbres et demeurant énigmatiques de Lewis Carroll. L'entreprise même ne surprend pas : après l'adaptation de Roald Dahl (Charlie et la chocolaterie), finalement Carroll s'impose comme une évidence, les deux écrivains sont en effet très proches et quasiment complémentaires dans la volonté de raconter des récits pour enfants mais, par malice et goût du sous-entendu, pas seulement.
La pari réside surtout dans l'adoption des nouvelles techniques modernes de motion-capture et - évidemment - de traitement 3D en post-production. Tim Burton a toujours vécu avec son temps en utilisant avec un plaisir prononcé les moyens modernes notamment pour les effets spéciaux. Ici, avec le boom de la 3D, il passe à une étape supérieure.
Le début du film, sorte de Spectre un peu plus historique, nous plonge déjà dans un univers particulier sans nous y faire rentrer encore totalement. La 3D est faible, quasi inutile dans toute cette première partie, car évidemment les prises réelles sans beaucoup d'effets spéciaux ne permettent pas un rendu 3D flagrant (rien a été tourné en 3D tout n'est que post-production). A la plongée dans le terrier, l'univers se révèle vraiment : avalanche de couleurs et de formes, l'esthétisme type too much est proche de Charlie, la 3D révélant enfin ses vraies capacités. Là où les autres films ne proposaient que du relief avec détachement du fond par rapport à la forme, Alice au pays des merveilles propose quelque chose d'un peu plus impressionnant qui crée plus de ressentis au spectateur.
L'univers présent, l'animation est techniquement superbe. Cependant le film dévoile ses faiblesses dans la continuité de son récit, Tim Burton se refusant certainement des frivolités qui aurait rendu le film encore un peu plus étrange, en acceptant que rien n'a de sens dans ce pays complétement imaginaire. La touche Disney est évidente : tout comme le film d'animation, il y a des limites dans l'adaptation à ne pas franchir - rappelons que l'oeuvre de Carroll est un véritable ovni aux adaptations frauduleuses... Le désir d'offrir de l'entertainment avant tout lisse un peu trop le récit quand on aurait voulu voir des têtes coupées ou un Chapelier encore plus fou. Le personnage de Depp donne l'âme au film : de ses yeux aux pupilles dilatées à son sourire certainement volé à sa femme, l'acteur est encore excellent et permet d'accompagner le film d'un univers burtonnien, certes timide cette fois mais toutefois présent. Entre déformation du corps et animation virtuelle bluffante (le chat, le lièvre, le lapin blanc... magnifique travail des nombreux techniciens), la technique est là... l'originalité et l'excentrisme baroque que l'on aime tant beaucoup moins. Même la composition de Danny Elfman ne s'adoucit que très rarement, servant à illustrer surtout l'action.
Si l'on a le droit d'être un peu déçu c'est que Tim Burton est l'un des meilleurs réalisateurs américains à défendre un univers esthétique malgré l'énormité de ses productions. L'exigence est donc évidente, et la séparation entre le créateur, son film, et ses autres est quasiment impossible pour le spectateur, encore plus pour les fans. Si l'on y s'efforce, Alice au pays des merveilles reste incontestablement un divertissement grand public pas idiot et jamais vu. Si les adultes seront un peu plus réticents cette fois, laissons aux enfants la liberté de s'exprimer ; et ainsi remarquer sans doute que, de loin, rien est vain dans ce nouveau film de Tim Burton.


Réalisé par Tim Burton
Avec Johnny Depp, Mia Wasikowska , Michael Sheen
Film américain | Durée : 1h49
Date de sortie en France : 24 Mars 2010

Blanc comme neige

François Cluzet joue Maxime, gérant d'une concession de véhicule haut de gamme. Tout va bien pour lui jusqu'à la mort troublante d'un de ses associés qui va le conduire à des histoires un peu compliquées avec des malfrats. Le scénario empirique noue de plus en plus la situation jusqu'au climax, modèle évidemment inspiré de nos amis outre-Atlantique. Dans l'entreprise classique de rivaliser avec le genre américain, Christophe Blanc se prend un peu les pieds dans le tapis en évitant tout de même la chute totale.
Blanc comme neige démarre plutôt bien. L'image du dénouement au début (Cluzet, troué de balles dans la neige) contraste avec la présentation qui arrive juste après de sa belle vie sous le soleil du sud. La tension - une sorte de suspens hitchcockien à rallonge - fonctionne plutôt pas mal, entrainant le désir pervers du spectateur à voir enfin les fils du scénario se nouer autour du cou du protagoniste. Mais dès cette étape passée, les choses dérapent notamment à cause de problèmes de vraisemblance qui discréditent le film. La mise en scène se perd entre sa volonté claire d'être réaliste et l'incohérence des actions de certains personnages, Maxime en tête. Évidemment appeler la police revient à tuer le film. Mais la possibilité est tellement évidente que les moyens pour éviter de s'y plier apparaissent comme des ruses simplistes (on est par exemple loin de la complexité d'un rapport familial dans La Nuit nous appartient). Plus la situation s'aggrave, moins le spectateur y croit...
C'est pourtant dommage car les acteurs sont convaincants. Cluzet, à l'aise, porte bien son personnage et permet finalement de porter le film tout entier, malgré une ressemblance évidente de sa composition pour Ne le dis à personne (le type dépassé par les évènements merdiques et empiriques qui lui arrivent). Gourmet et Zaccaï sont très bons aussi, même Louise Bourgoin laisse le sentiment amère de ne pas voir son rôle traité avec un peu plus d'importance.
Avec un final en Finlande assez surréaliste mais jamais assumé dans ce sens (pourtant excellent headshot de Maxime qui n'a jamais utilisé un flingue de sa vie !) et un twist décevant de hapyness, Blanc comme neige s'enlise encore un peu plus. La déception est au rendez-vous car du potentiel se dégage de ce film - entre le machiavélisme de la mise en scène et le jeu très propre des acteurs - sans toutefois servir un scénario poignant aux crises réelles et non pas à une série de pétarades en France ou ailleurs. Mais la volonté est là, et peut servir intelligemment.


Réalisé par Christophe Blanc
Avec François Cluzet, Louise Bourgoin, Olivier Gourmet
Film français, belge | Durée : 1h35
Date de sortie en France : 17 Mars 2010

21 mars 2010

Une Éducation

Jenny, 16 ans, travaille dur dans le souhait d'intégrer l'université d'Oxford. Poussée par ses parents et en particulier un père assez sévère, elle est une excellente élève pleine d'ambitions. Seulement, elle rencontre David. Deux fois plus âge qu'elle, il est élégant, aisé, et semble très bien élevé. Les parents de Jenny en viennent à lui faire confiance, dans l'espoir de voir un jour leur fille mariée à David et ainsi lui assurer un avenir plus que confortable.
L'Angleterre des années 60 est un des thèmes importants du film, servant ici clairement de toile de fond. Le bouleversement du pays à cette époque qui - trivialement dit - se dévergonde petit à petit, va de paire avec l'évolution de la protagoniste qui, d'abord élève studieuse et peu ouverte aux mondanités extérieures, découvre les plaisirs de la ville et de l'indépendance. Carey Mulligan, habituée aux seconds rôles, trouve ici sa place en tant qu'actrice principale : jamais excessif, son jeu sonne juste. Alfred Molina se démarque aussi, dans le rôle du père d'abord à l'apparence tyrannique puis finalement se dévoilant petit à petit. C'est certainement le rôle le mieux écrit, car le scénario - et la mise en scène qui s'en suit - comporte des faiblesses importantes. La plus évidente est celle qui pèse sur David. Présenté comme l'homme amoureux irréprochable (même au lit tout n'est que douceur et patience... !), le dénouement ne fonctionne pas dans sa volonté de créer nécessairement un twist final. Le dernier plan le montrant effondré renforce d'autant plus l'amertume gratuite de vouloir le diaboliser au maximum.
Cette fin prend de court le spectateur car si Une Éducation plaît dans la rébellion qui se dégage de la protagoniste (ça fait sincèrement du bien de la voir rembarrer son institutrice et sa principale qui semble toutes deux sortis du Moyen-Age, prêtes à s'effondrer à la moindre émotion trop importante du genre apprendre que leurs élèves peuvent avoir une vie sociale...), le dénouement détruit tout, offrant une morale douteuse (morale induite par le titre même). D'un manichéisme (trop) facile, le film s'avère n'être pas celui que l'on croyait. La réalisatrice parvient à créer cet effet... mais à tort. Pourtant maitrisé, avec une bonne direction d'acteurs, le film souffre trop de cette approche radicale, en refusant toute ambiguïté. Il suffit d'ailleurs simplement de voir la fin : si plusieurs mois de la vie Jenny avec David durent 1h30, il suffit de deux minutes écliptiques pour en résumer toute une année... preuve qu'elle n'est n'y intéressante cinématographiquement et formellement. Là où on pouvait être touché dans la note quasi autobiographique (la volonté de s'écarter de l'école pour faire autre chose va évidemment de paire avec la volonté même de faire du cinéma) ne ressort qu'un néant : le plus important est de s'ennuyer... ce qui n'est absolument pas une vision féministe comme le voudrait Lone Sherfig. Une Education est un film mis en scène avec justesse, mais dont le fond rend inintéressant toute sorte de forme. Une vraie déception.


Réalisé par Lone Sherfig
Avec Peter Sarsgaard, Carey Mulligan, Alfred Molina
Film américain, anglais | Durée : 1h35
Date de sortie en France : 24 Février 2010

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