29 décembre 2010

Les Yeux de Julia

Le cinéma d'épouvante espagnol n'a pas fini de faire parler de lui. En tout cas, ce n'est certainement pas Guillermo Del Toro qui le lui empêcherait. Déjà producteur (et réalisateur) du merveilleux Labyrinthe de Pan, et du très bon Orphelinat, sa collaboration à ce nouveau projet lui donne certainement la possibilité d'exister dans les meilleures conditions. Ici il donne la caméra à Guillem Morales, réalisateur précoce heureux du succès de son premier court puis long (El Habitante incierto, introuvable) qui lui a même valu un remake. Et autant dire les moyens de voire plus large. D'abord envisagé pour un film américain, le scénario co-écrit par Morales se voit finalement produit localement, financé par Universal Pictures. La première collaboration du studio pour un film espagnol : sans doute déjà gage de sa qualité et rentabilité.
Pourtant l'histoire a de quoi inquiéter tant elle parait sur-inspirée : Julia apprend le suicide de sa sœur jumelle, atteinte elle aussi d'une maladie créant lentement et de façon imprévisible la cécité. Mais elle est persuadée que cette dernière ne s'est pas suicidée, mais qu'elle était épiée, suivie, et finalement tuée. Plusieurs éléments font d'ailleurs planer de plus en plus le doute... L'exposition - sorte d'incident déclencheur flashback type série policière - donne le ton. Photographie froide et sombre, jeu sur le hors-champ, prédominance du son, évidemment la cécité au cinéma ça nourrit l'inspiration. La bonne nouvelle est que Morales l'a bien compris, et le prouve à travers une mise en scène plutôt judicieuse, du moins techniquement irréprochable. A l'inverse d'une tendance moderne de renverser la forme du cinéma d'horreur par l'approche d'un cinéma-vérité, Les Yeux de Julia préfère tendre des ficelles - certes un peu usées - mais de façon très efficace. Résultat : les séquences de perdition entre vues subjectives et plongées obscures sont redoutables. Le film aurait pu l'être dans sa totalité, si ce n'est que le scénario tombe cependant quelques fois dans le classique cliché. D'abord dans la narration : beaucoup de séquences dialoguées viennent alourdir un rythme qui peine à devenir hétérogène de façon juste. Les conséquences s'y retrouvent dans quelques longueurs notamment avec le couple protagoniste. Puis il y a peut-être certaines facilités à l'image du personnage du vieux mystérieux inutile ou lors du déclenchement de l'angoisse (mais bon sang, arrêtez de la laisser toute seule !).
Cependant, Les Yeux de Julia ne peut s'empêcher d'être charmant dans ses idées étonnantes et réussies : en masquant le visage des autres personnages par jeu de dévoilement proche du Sixième Sens, en réunissant présent, passé, réalité et fantasme dans de très beaux mouvements de caméra ou en basant une scène de suspens sur les flashs répétitifs d'un appareil photo (le cinéma n'est pas loin...), Morales parvient à surprendre malgré les archétypes qui jaunissent un peu l'ensemble. A l'instar de son climax - obligeant Julia a faire croire qu'elle est aveugle à son bourreau - le film s'avère réussi, moins éprouvant que ses prédécesseurs, mais en bon présage pour les suivants.


Réalisé par Guillem Morales
Avec Belén Rueda, Lluis Homar, Julia Gutiérrez Caba
Film espagnol | Durée : 1h56
Date de sortie en France : 22 Décembre 2010

23 décembre 2010

Top 2010

Une nouvelle année s'achève, imposant un récapitulatif des meilleurs films sur la toile !
C'est toujours au moment de classer que l'on se rend compte tous les films oubliés ou simplement ratés en salle... Je trouve que 2010 a particulièrement été pour moi une année où j'ai zappé un bon nombre de rendez-vous prometteurs. Tant pis, je me rattraperai plus tard ;) !

En attendant, voici le TOP 10 de mes films préférés de cette année :


Après le remake discuté d'Internal Affairs, Martin Scorsese est revenu cette année sur la toile et a simplement tout explosé : en adaptant le livre de Dennis Lehane, il nous offre un extraordinaire thriller psychologique. Succès tant populaire que critique, inutile de vanter tous les mérites de Shutter Island, de la performance d'acteur à la photographie, au montage... Le talent est l'audace crèvent l'écran. Mon meilleur souvenir de cinéma de cette année.


Réalisé par Martin Scorsese
Avec Leonardo DiCaprio, Mark Ruffalo, Ben Kingsley
Film américain | Durée : 2h17




Avec The Dark Knight, Christopher Nolan avait prouvé qu'énormes productions pouvaient rimer avec énormes films éclectiques. Inception est sa consécration. Scénario aussi complexe que dantesque, goût du suspens à faire tendre les nerfs des plus coriaces et effets spéciaux délirants, le meilleur blockbuster de l'année est là, indéniablement. Grande réussite, parions durable dans les mémoires.


Réalisé par Christopher Nolan
Avec Leonardo DiCaprio, Marion Cotillard, Ellen Page
Film américain | Durée : 2h28




A l'heure où on ne l'attendait pas, ou plus, Roman Polanski signe peut-être son meilleur film. Sobre et dans un hommage tant respectueux qu'à la hauteur d'Hitchcock, le réalisateur offre un film épuré, assez hypnotisant, empreint d'un grand amour pour le cinéma. Et offre aussi à Ewan McGregor l'un de ses plus beaux rôles.


Réalisé par Roman Polanski
Avec Ewan McGregor, Pierce Brosnan, Kim Cattrall
Film français | Durée : 2h08





Sans doute la plus belle surprise de cette année. I Love you Phillip Morris est d'abord le pari fou de deux jeunes inconnus américains, qui n'ont à la fois ni peur de chercher le financement en France là où les Etats-Unis ne veulent (évidemment ?) pas et de proposer l'affiche aux deux stars et très bons McGregor/Carrey. Le résultat : la meilleure comédie de l'année, touchante, pertinente et surtout hilarante.


Réalisé par Glenn Ficarra et John Requa
Avec Jim Carrey, Ewan McGregor, Leslie Mann
Film américain | Durée : 1h36




Acclamé à Cannes, Des Hommes et des dieux marque de par sa justesse, sa force et son universalité. D'apparence éprouvant, le film coule pourtant doucement, par contemplation, au rythme de ces moines que l'on sait condamnés à croire en des choses trop blanches. Xavier Beauvois dépeint toutes les guerres dans son récit, bouleversant, car loin de se contenter de principes d'auteurs pompeux, Des Hommes et des dieux ne se suffit pas à l'intellectuel. Il se donne à voir... et s'impose.


Réalisé par Xavier Beauvois
Avec Lambert Wilson, Michael Lonsdale, Olivier Rabourdin
Film français | Durée : 2h00




Mon choix documentaire de cette année. Deux réalisateurs français suivent l'équipe de Ricky au Congo dont le rêve est d'étendre son groupe de musique composé d'infirmes. De leurs déboires à la consécration, le film inonde d'émotions diverses (la conversation des enfants sur l'Europe devrait être entendue de tous politiciens influants), pour enfin illuminer la musique, la plus belle magie qui soit. Rappelant l'autre documentaire D'une seule voix, Benda Bilili ! a cette capacité de transpercer son spectateur de la plus belle des façons : aussi bien dans la douleur que le bonheur. Inoubliable.


Réalisé par Renaud Barret et Florent de La Tullaye
Avec Roger Landu, Coco Ngambali, Djunana Tanga-Suele
Film français, congolais | Durée : 1h25




Nouvelle réussite des studios Pixar, Toy Story 3 reflète ce que ses créateurs savent faire de meilleur : divertir dans des récits prenants, impressionner par des graphismes travaillés et émouvoir dans des concepts bateaux et honteusement efficaces. Grand succès du film d'animation de cette année, ce dernier a ce mérite d'être tant quantitatif que qualitatif. Avec toujours cette envie incontrôlable à la fin : encore !


Réalisé par Lee Unkrich
Avec Tom Hanks, Tim Allen, Michael Keaton
Film américain | Durée : 1h40




Petit film français, le premier de son réalisateur, sans trop de prétentions mais mine de rien Simon Werner a disparu... se laisse très facilement apprécier. Inspiré, le récit échelonne le point de vue de plusieurs adolescents brouillé par malentendus, perditions, dissimulations... Il y a beaucoup d'Elephant derrière la forme, un peu de slasher dans le fond, et finalement du talent et de la précision. Bien qu'imparfait, ce petit film a un supplément d'âme qui lui permet d'aller au-delà du simple exercice de style. Mon coup de pouce de cette année.


Réalisé par Fabrice Gobert
Avec Ana Girardot, Jules Pelissier, Esteban Carvajal Alegria
Film français | Durée : 1h33




Choix étonnant de la part du maitre du thriller David Fincher, The Social Network étant sans doute l'un des films les plus risqués de cette année. De façon surprenante - il faut le dire - le tout fonctionne avec une mise en scène sobre qui donne la part belle au scénario d'Aaron Sorkin, très travaillé. Outre sa qualité tant sonore que visuelle (cette caméra RED a peut-être un bel avenir), le film s'inscrit dans une époque qu'il reflète parfaitement. Narratif quoi que captivant, The Social Network pourrait être à l'instar d'un Breakfast Club, l'égérie de toute une génération.


Réalisé par David Fincher
Avec Jesse Eisenberg, Justin Timberlake, Andrew Garfield
Film américain | Durée : 2h00




Malgré des hauts et des bas, les frères Cohen sont toujours là, respectés car largement respectables. Ce n'est pas cette nouvelle comédie qui viendra nuancer la donne. Pourtant, A Serious Man étonne par son humour froid, subtile, moins subversif qu'avant, mais d'une efficacité terrible. S'en dégage alors des fous rires incontrôlables, parfois même par incompréhension (c'est sans doute l'exposition la plus décalée qui soit). C'est assez unique, ou en tout cas ça en donne l'impression. Point marqué !


Réalisé par Ethan et Joel Coen
Avec Michael Stuhlbarg, Sari Lennick, , Richard Kind
Film américain | Durée : 1h45




J'oublie pas : Vahlalla Rising de Nicolas Winding Refn, Piranhas 3D d'Alexandre Aja, Gainsbourg, vie héroïque de Joann Sfar, Kaboom de Gregg Araki, Sherlock Holmes de Guy Ritchie, Mammuth de Gustave Kervern, Paranormal Activity 2 de Tod Williams, A bout portant de Fred Cavayé, Harry Potter et les Reliques de la mort - partie 1 de David Yates, Moi, moche et méchant de Pierre Coffin, Raiponce de Byron Howard...

J'ai malheureusement loupé en salle : Les Amours imaginaires de Xavier Dolan, Tournée de Mathieu Amalric, Kick Ass de Matthew Vaughn, Scott Pilgrim VS. the world d'Edgar Wright, Buried de Rodrigo Cortés, Fantastic Mr. Fox de Wes Anderson, Enter the void de Gaspard Noé, L'Arbre de Julie Bertuccelli, Dog Pound de Kim Chapiron, Brothers de Jim Sheridan...

Les grandes déceptions : Le gros plantage du Choc des Titans de Louis Leterrier, Alice au pays des merveilles qu'on aurait préféré voir dans celui de Tim Burton et le trop lisse The Town du pourtant prometteur Ben Affleck.

C'est ainsi que s'achève cette riche année, avec déjà l'envie d'en partager une suivante sur le blog ! Pour anticiper 2011, il y aura prochainement un récapitulatif de mes plus grandes attentes de l'année, et dès janvier je participe au festival d'hiver de Chris avec d'autres blogueurs cinéphiles ;) .
N'hésitez pas à donner vous aussi votre top 10, réagir sur le mien, donnez votre avis... comme d'habitude quoi ! Merci à vous tous qui faîte vivre ce blog, de par votre lecture, vos commentaires, vos visites : ma passion ne s'en voit que plus forte !

Bonnes fêtes à tous, et bon ciné :) .

Mon beau-père et nous

Les suites dans la comédie, ça semble toujours plus risqué qu'ailleurs. Mon beau-père et moi, énorme succès aux Etats-Unis en 2000, bien accueilli ici, avait laissé sa trace avec le duo improbable Ben Stiller / Robert De Niro. Succès oblige, une suite avait vu le jour trois ans plus tard, Mon beau-père, mes parents et moi signant l'arrivée d'une autre star au casting, Dustin Hoffman. Si ce deuxième volet avait plutôt bien été accueilli aussi, l'ambiance risque ici de se refroidir quelque peu. Pour pas dire complètement.
Après les parents en guise de fil de rattache narratif, évidemment les enfants. Gregg et Pam en ont deux beaux et forment une famille plutôt sympathique. Mais le temps passe, et beau papa Jack vieillit. Sa principale inquiétude : qui pourra représenter la famille en tant que patriarche ? Après avoir viré un de ses gendres, il ne voit que Gregg dans ce rôle, qui lui se voit déjà bien Don Furniker. Mais sera t-il à la hauteur ? Et c'est ainsi qu'on prend des aliments différents mais en les cuisinant de la même manière. Problème, la sauce ne prend pas. On est loin des gags continus et efficaces du premier volet qui nous donnaient aucun répis. En un peu plus d'une heure et demi, Mon beau-père et nous donne toute les possibilités au spectateur de s'ennuyer à plusieurs reprises. Une fois l'intrigue installée, le scénario ne fait que rallonger les quelques idées trouvées - pas forcément mauvaises d'ailleurs - sans aucun soucis de rythme. Heureusement, quelques scènes provoquent un peu notre attention, à l'image d'un remake hilarant des Dents de la mer dans une piscine de balles ou un coup de fil de Jack passé aux renseignements. Mais elles sont trop rares pour rendre le spectacle appréciable. L'écriture du film semble être tombé en pleine grève des scénaristes : même la séquence de repas classique est terne. Et ce n'est pas un caméléon inexpressif ou l'impuissance de papi Jacky qui viendra pimenter la chose...
Évidemment, les acteurs peinent à se démarquer. Mais rodés, les têtes d'affiche s'en sortent du mieux qu'elles peuvent. Des fois c'est dur, surtout pour Owen Wilson, Dustin Hoffman et Jessica Alba. Caricatures par excellence (le riche parfait mais idiot, le père hédoniste incohérent et la bobonne superbe mais creuse), l'approche à l'extrême de ces personnages agacent plus qu'autre chose. Une déception tant sont restés cultes les archétypes du premier American Pie du même Paul Weitz, ou digne d'intérêt le personnage d'Hugh Grant dans Pour un garçon. Bref, pas grand chose à sauver dans cette comédie inefficace si ce n'est quelques rires étouffés, qui ne vaudront de toute façon pas pour leur argent.


Réalisé par Paul Weitz
Avec Robert De Niro, Ben Stiller, Owen Wilson
Film américain | Durée : 1h45
Date de sortie en France : 22 Décembre 2010

14 décembre 2010

Les Émotifs anonymes

Après s'être illustré essentiellement dans un registre dramatique - l'adolescence dans Mauvaises fréquentations, l'Histoire de l'occupation dans Le Bateau de mariage ou le combat pour la vie dans Poids léger et C'est la vie (déjà teintés de touches comiques) – Jean-Pierre Améris revient sur la toile en présentant une comédie. La première de ce cinéaste discret mais expérimenté. A l'affiche, le duo d'Entre ses mains, Isabelle Carré et Benoît Poelvoorde. La première est la nouvelle commerciale d'une chocolaterie, en fait véritable orfèvre dans la fabrication de chocolat, le second son patron qui vient de l'embaucher. C'est alors qu'un problème terrible va rapidement survenir : ces deux grands émotifs tombent amoureux l'un de l'autre. Autant dire le début d'un cauchemar... drôle et touchant !
Car Les Émotifs anonymes est bien une vraie comédie, plutôt surprenante d'ailleurs. Dans une photographie chaude, c'est un univers rétro marqué années 50 – 60 qui s'installe. Rapidement, le réalisme n'est pas de guise : à l'instar d'un décor enjolivé, les personnages aussi semblent venir d'ailleurs, tous sensibles et archétypes à la fois de la bande de la chocolaterie aux personnages secondaires des réunions. Améris joue clairement la carte de l'idéalisation donnant à son film un effet carte postale qui n'est pas sans rappeler l'univers édulcoré d'Amélie Poulain. Amélie c'est d'ailleurs un peu cette Isabelle Carré, en plus mature et, surtout, émotive. Poelvoorde, quant à lui, est dans un registre dans lequel on aime le voir : au combien sensible lui aussi, il parvient à donner à son personnage un air touchant tout en jouant la carte de la comédie. Le scénario offre aux deux acteurs de belles scènes de performance, mais c'est surtout lorsqu'il s'adapte au burlesque qu'il est le plus efficace. En forçant le trait sur le comique de situation, la séquence du restaurant parvient par exemple à rester drôle sans devenir risible. Et c'est dans cet univers déconnecté, parfois burlesque, qu'Améris ose même la chanson. Première vraie déclaration du couple, cette scène efface tout l'environnement au profit de ces protagonistes qui se rapprochent enfin. Pari réussi tant Poelvoorde joue la justesse.
Plutôt nouveau mine de rien, surtout osé, Les Émotifs anonymes propose une inspiration différente sans pour autant donner dans l'immédiat un bol d'air frais révolutionnaire dans le paysages très contrasté de la comédie française. Certains spectateurs risquent de rester à côté, tant la forme irréelle est à accepter, et du fait que le récit s'échelonne dans un cercle rébarbatif. Sa simplicité amène parfois quelques longueurs lorsque le manque d'évolution des personnages se fait sentir. Mais plutôt court, le film a au moins ce mérite de ne pas insister sur un superflue malvenu en ne perdant jamais ses protagonistes et leur histoire de vue. Sans cesse tendu sur le fil fragile de ses personnages, Les Émotifs anonymes s'en sort bien, se révélant finalement comme un divertissement sensible et agréable. Ou comme un bon chocolat.


Réalisé par Jean-Pierre Améris
Avec Isabelle Carré, Benoît Poelvoorde, Lorella Cravotta
Film français, belge | Durée : 1h20
Date de sortie en France : 22 Décembre 2010

8 décembre 2010

Raiponce

Il était une fois... le cinquantième film des studios Disney, déjà ! A travers ses chefs d'œuvre qui ont fait rêver un grand nombre d'enfants tout âge et génération confondus, la firme veut rester dans les grands de l'animation ; surtout dans une époque où le genre n'a peut-être jamais été aussi en concurrence. Finalement lié à Pixar (les meilleurs ?) - un des producteurs n'est autre que le grand Lasseter de Toy Story – Disney s'est tenu à respecter un univers homogène basé sur le rêve et la féerie là où Dreamworks préfère par exemple la référence et l'humour précis dans sa marque de fabrique. La précédente Princesse et la grenouille s'inscrivait déjà dans cette volonté de suivre ce style devenu nostalgiquement old-school avec une réussite à la clé : un charme qui se veut permanent jusqu'ici.
Bonne nouvelle, Raiponce continue à perdurer ce charme, ici le long de la longue chevelure blonde et magique de sa jeune héroïne. Une nouvelle fois inspiré d'un conte des Frères Grimm, le récit se résume à une jeune princesse tenue cloisonnée dans sa haute tour avec sa « mère », en réalité vieille dame aigrie de sa jeunesse perdue, qui kidnappa Raiponce bébé alors fraîchement née d'une larme de soleil : l'unique remède pour Gothel de conserver ses allures de femme séduisante... Alors bien sûr tout ceci avant que la jeune princesse ait dix-huit ans, des envies d'ailleurs et bientôt des envies bien précises sur un jeune vagabond tombé sur elle par (un heureux) hasard.
L'animation virtuelle a depuis quelque temps zappé un dessin brut bien que merveilleux, mais aucunement à son détriment. Couleurs éclatantes, contrastes superbes, l'image animée est d'une précision et d'une beauté immanquable. Mais la plus grande réussite – et on en attendait pas moins du logo Disney – demeure dans les personnages, eux aussi hauts en couleurs, à la fois simple et juste. La princesse évite le bas cliché pour ne pas tenir seul l'intérêt des enfants, mais c'est surtout le prince, vrai personnage attachant, et celui improbable de ce cheval militant qui offrent les meilleurs moments comiques du film. Cependant, l'approche de la sorcière – cette fameuse Mère Gothel – est malheureusement trop radicale. Le récit ne laisse aucune possibilité à cette vieille dame possessive de sa beauté oubliée, pourtant aimante malgré son besoin maléfique... ; il s'en ressort alors un manichéisme trop simple et un peu maladroit dans un film pour enfants. La stéréoscopie 3D n'est d'aucune utilité sinon celle de jouer sur la profondeur de champ à de minces reprises, ou celle moins intéressante d'ouvrir un peu plus large le porte monnaie avec des yeux ronds. Enfin, les chansons un peu moins originales, ne marquent pas tellement (à part peut-être celle du rêve !), en tout cas beaucoup moins que d'autres belles réussites (Aladin, Hercule...).
Malgré ces petites nuances, Raiponce est un beau film d'animation, parfait pour les enfants, joliment pas mauvais pour les adultes. Tous auront certainement le cœur au bord des lèvres lors de la séquence des lanternes, magnifique, qui n'est qu'à l'image d'un studio de renom qui parvient à se moderniser tout en ne se trahissant pas. Parfait dans cette atmosphère de fêtes.


Réalisé par Byron Howard et Nathan Greno
Avec Mandy Moore, Zachary Levi, Donna Murphy
Film américain | Durée : 1h41
Date de sortie en France : 01 Décembre 2010

5 décembre 2010

A bout portant

Après le remarqué Pour Elle en 2008, Fred Cavayé signe son deuxième film dans une volonté d'allonger sur tout un récit un suspens de thriller, que le jeune réalisateur avait particulièrement apprécié de mettre en scène pour la partie finale de son précèdent métrage. Bande-annonce sèche, Gilles Lellouche grave, A bout portant ne donnait pas l'impression de révolutionner le genre plutôt en vogue en France - avec quelques réussites notables, par exemple Espion(s) de Nicolas Saada - mais attisait la curiosité du spectateur avide de sentiments et sensations fortes.
Le scénario suit une lignée très hitchcockienne : tout va bien pour Samuel, bientôt infirmier, et Nadia bientôt maman, jusqu'au jour où la jeune femme est enlevée. Assomé et allongé sur le sol de son appartement, le goût du sang au bord des lèvres, Samuel n'a pas le choix. S'il veut avoir une chance se retrouver sa femme vivante, il doit faire sortir un patient sous surveillance policière de son hôpital selon les indications de cette voix au téléphone. C'est ainsi que la course contre la montre commence. Mais avant, Fred Cavayé donne la priorité à ses personnages, particulièrement le jeune couple qu'il "humanise" au possible. Le choix de Gilles Lellouche n'est pas anodin : il est parfait en monsieur tout le monde embarqué dans un tourbillon qu'il ne comprend pas et dont il est victime. Peut-être trop longuement connoté second rôle, Cavayé lui offre (enfin ?) un premier rôle qu'il porte parfaitement. Cette volonté de faire attacher son spectateur à ce protagoniste idéal joue déjà sur un suspens plutôt bien maitrisé. Lorsqu'enfin la problématique de l'exposition (l'accident du fugitif) percute la vie du couple, l'élément perturbateur bouleverse le ton et accélère le rythme. Optant de façon classique pour une mise en scène sur le vif, caméra à l'épaule, Cavayé n'innove pas mais joue la carte de l'efficacité, suivant un scénario rôdé, aux crises qui ont l'avantage d'être surprenantes. Coup de feu en plein centre ville, course poursuite hollywoodienne dans le métro de Paris, A bout portant ose à bon escient l'adrénaline jusqu'à la meilleure séquence du film, où lorsqu'un flic tue un de ses collègues l'intrigue trouve son réel sens et dévoile l'étendue de sa complexité. Les flics ripoux ne sont pas non plus une révolution dans le genre, mais ça a toujours son petit effet. Dans A bout portant aussi, malgré le fait que l'on frise tout de même la caricature. Gérard Lanvin, l'enfoiré flic par excellence, contraste négativement avec un jeu plus nuancé de Roschdy Zem, même si la face terne et fermé de l'acteur permet à Cavayé de jolis plans regard percutants. Le climax, quant à lui, est malheureusement raté malgré son montage alterné dynamique : la résolution arrive trop vite, un peu simplement, dans un bordel un peu trop exagéré. Le réalisateur parvient tout de même à balancer toute la puissance émotive du film en quelques secondes, lorsqu'enfin réunis, Lellouche supplie de prendre soin de sa femme enceinte. Cadrage serré, belle performance d'acteur, le final a au moins cet avantage de crédibiliser humainement le film, à un moment où il perd de son efficacité. Car, finalement, on ressort d'A bout portant un peu épuisé, la sueur au front, comme le protagoniste auquel on s'est identifié. Loin d'être révolutionnaire, mais néanmoins pas mal.


Réalisé par Fred Cavayé
Avec Gilles Lellouche, Roschdy Zem, Gérard Lanvin
Film français | Durée : 1h25
Date de sortie en France : 01 Décembre 2010

30 novembre 2010

A l'intérieur

Le cinéma de genre en France a prouvé ces dernières années qu'il était bien là, comme une bête ronronneuse jamais vraiment endormie. Calvaire de Francis du Welz (2004), Frontière(s) de Xavier Gens (2007), ou l'excellent Martyrs de Pascal Laugier (2008), l'hexagone a de quoi se défendre en terme d'hémoglobine réfléchie. Et le succès est là, la toile semblant aimer la couleur rouge sang pour provoquer encore plus ses spectateurs victimes dans une quête barbare sinon masochiste de sa propre résistance morale. En 2004, deux jeunes réalisateurs passionnés se donnaient le paris d'un autre projet tout aussi radical, en misant notamment sur une promotion importante pour éviter la mort prématurée au cinéma, redoutée dans le genre plus qu'ailleurs.
Le scénario est loin d'être compliqué, loin d'être inefficace. Julien Maury et Alexandre Bustillo ont bien compris de leurs influences certainement nombreuses que la radicalité paye avant toute chose. Sarah, maman sous peu, peine terriblement à se relever d'une demi seconde qui a bouleversé sa vie, tué son homme et pété son pare-brise en mille morceaux. Sa mère, présente, beaucoup trop, n'est d'aucune aide psychologique. C'est malgré tout qu'elle attend la naissance de ce bébé miraculeusement épargné, malgré tout qu'elle passe le réveillon de Noël seule. Pas pour longtemps... Une mystérieuse femme s'introduit bientôt chez elle avec une seule obsession, un seul désir brûlant d'horreur : lui enlever le bébé du ventre à coups de ciseaux aiguisés.
A l'intérieur, a bien sûr une lecture plurielle. A l'intérieur de ce ventre bien sûr, où attend naïvement la vie un bébé condamné, mais aussi à l'intérieur de cette maison cloisonnée, étouffante. Le huit-clos s'impose, terni d'une photographie brumeuse aux couleurs chaudes et sombres. N'espérez pas y voir le moindre réconfort : la photographie a surtout cette incroyable particularité de ne rendre le sang que plus rouge, que plus réel et omniprésent. Maury et Bustillo ne sont pas des touristes curieux, ils sont là pour frapper où ca fait mal. Enchainant les séquences gores à limite du soutenable, le film est une démonstration d'épouvante aggravée... et d'effets spéciaux manuels. Sensationnels, le maquillage et les trucages lui donnent une authenticité écœurante. Les deux actrices aussi. Habitées, Alysson Paradis et Béatrice Dalle ne jouent plus mais hantent le film de la violence de leurs corps, de leurs visages et de l'expression bestiale de leur gorge. Les paroles, et même les cris, sont de façon intéressante épurés pour éviter le cliché. La voix frappe lorsque la douleur inonde... douleur qui semble s'effacer peu à peu, pour friser bientôt le fantastique où la barbarie devient un véritable exercice esthétique. Le final d'une poésie et d'une cruauté cruellement antithétiques – le dernier plan du berceau est un chef d'œuvre – conclue A l'intérieur dans une empathie provocante qui questionne encore et toujours sur la limite du divertissement horrifique. Si limites il existe, ce film là les frôle à coups de ciseaux dans la jugulaire, tout en restant hypnotisant. Sauvagement hypnotisant.


Réalisé par Julien Maury et Alexandre Bustillo
Avec Alysson Paradis, Béatrice Dalle, Nathalie Roussel
Film français | Durée : 1h23
Date de sortie en France : 13 Juin 2007

28 novembre 2010

Harry Potter et les Reliques de la mort - partie 1

Après une longue attente, Harry Potter et les Reliques de la mort sort enfin sur les écrans. Mais les fans ou amateurs devront retenir leur impatience encore un peu : divisé en deux parties, le septième et dernier livre de J.K Rowling se voit adapter en deux films. Stratégie commerciale ou soucis de fidélité pour l'œuvre originale ? Ce qu'il y a de bien dans Harry Potter, c'est qu'à l'image de la saga, il s'agit des deux.
Il y a bientôt dix ans, la Warner sortait la première adaptation des volets du jeune sorcier : soignée et féérique à souhait, la franchise Harry Potter a su de façon générale fidéliser une grande partie des spectateurs. S'en découle alors un franc succès populaire fait de six films à budget que le box-office est toujours venu gracier, et une véritable entreprise interne qui tourne à pleine régime dans les studios Leavesden en Angleterre. Cette saga définitivement hétérogène (quatre metteurs en scène se seront succédés) a sans doute eu cette avantage de rester éclectique, que cela soit au niveau de l'âge ciblé – si les deux premiers films s'offrent bien sûr aux enfants, les autres non – ou de l'ambition des films – tant commerciale que qualitative.
Après avoir mis en scène les deux précédents volets, David Yates reprend le flambeau. Étonnamment, ce réalisateur de téléfilms auparavant inconnu ou presque, sera celui le plus important de la saga cinématographique. A l'image du choix de l'indépendant méxicain Alfonso Cuaron pour le troisième volet, il y avait de l'audace de la part de la production. Audace positive, Yates réussissant à donner un souffle plus émotionnel à la saga, plus sombre aussi, pour finalement donner à juste titre un ton mature aux films. Ce dernier volet en est bien sûr l'apogée dans les thèmes développés : la mort, l'injustice, la vengeance, la violence amoureuse sont là plus que jamais... Alors épargnez vos enfants et surtout épargnez vous si l'histoire d'Harry Potter n'a que peu d'intérêts pour vous. La première partie des Reliques de la mort est un film fait pour les amateurs de la saga. La trame, bien trop complexe pour être accessible aux non-amateurs, se débarrasse de cette contrainte impossible, même si quelques flashbacks trouvent leur place au montage histoire de ne pas perdre tout le monde au passage. Mais le résultat est bien là : fidèle au livre, le film est fait pour les spectateurs qui aiment et connaissent l'univers avec une attention qui le démarque peut-être de tous les autres. L'ombre de Rowling n'a jamais été aussi présente. Les séquences d'action ponctuelle sont survitaminées (la poursuite dans le ciel, la séquence à Godric's Hollow très réussie, la torture dans le manoir...) pour éviter au récit très narratif – Harry, Ron et Hermione errent dans la nature à la recherche des Horcruxes et bientôt des Reliques – de plonger dans l'ennui. Tout compte fait, la division en deux films se justifie : servie une nouvelle fois d'une photographie tout simplement superbe dans des jolis décors (avec pas mal d'extérieurs ça fait du bien), la part belle est faite particulièrement à l'interprétation des acteurs. Le trio Radcliffe, Grint, Watson est définitivement bien rôdé, mention spéciale pour la jeune Emma qui campe une Hermione plus dans la retenue - la séquence d'ouverture avec elle est vraiment un bon choix – et ainsi plus émouvante.
Spectaculaire, parfois terrifiant et surtout juste, Harry Potter et les Reliques de la mort est une nouvelle fois marqué d'une sensibilité unique dans le genre des grosses productions, encore plus remarquable ici. La séquence de la danse dans la tente, spirale optimiste terriblement émouvante rajoutée au script, est à l'image de cette particularité qui démarque cette coûteuse franchise cinématographique des autres du genre. Harry Potter et les Reliques de la mort – partie 1 trouvera sans trop de problèmes sa place dans les cœurs des adeptes déjà incapables d'attendre la fin, comme dans celui d'une bonne partie de la critique. Un bon contre-exemple à cette idée stagnante de séparer la qualité du spectacle.


Réalisé par David Yates
Avec Daniel Radcliffe, Rupert Grint, Emma Watson
Film américain | Durée : 2h25
Date de sortie en France : 24 Novembre 2010

23 novembre 2010

Dossier #01 : Harry Potter au cinéma

Bientôt dix ans que le petit sorcier à lunettes est apparu pour la première fois au cinéma ! C'était en 2001 avec L'École des sorciers, succès populaire de fin d'année qui confirmera à la Warner de son bon choix d'adapter l'œuvre de J.K. Rowling, à l'époque toujours en construction mais déjà très populaire.
Depuis, six films ont vu le jour sous la réalisation hétérogène de différents metteurs en scène, mais l'œil toujours aussi constant et attentif de son producteur principal (David Heyman) et bien sûr de la maman du projet papier. Les lecteurs, les spectateurs et surtout les fans de la première heure ont désormais bien grandi... mais l'engouement autour de la première partie du dernier volet, Harry Potter et les Reliques de la mort, montre que la magie reste intacte.
A la veille de la sortie officielle du film, retour sur une saga décidement bien ensorcelée...
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Harry Potter à l'École des sorciers (2001)
Les studios Warner se donnent le pari d'adapter au cinéma le premier livre d'une saga lancée par une écrivaine anglaise, inconnue il y a encore quelques temps, mais d'ores et déjà célèbre. Son miracle ? Un enfant héros dans une aventure fantastique, qui découvre avec émerveillement le monde de la magie... avec une certaine amertume aussi. Il apprend qu'un mage noir a tué ses parents, et qu'il est lui-même la victime de sa disparition. Jusqu'alors... Car évidemment, Harry n'a aucune idée des aventures qu'il l'attendent à Poudlard, l'école des sorciers, où il devra avoir besoin de ses amis (Ron et Hermione) et de toute sa bravoure.
Premier livre étonnant, premier film envoutant. L'invitation au rêve fonctionne à merveille. Les studios mettent à bon escient un budget conséquent mais nécessaire. Chris Columbus – réalisateur de Maman j'ai raté l'avion – trouve logiquement ses marques et offre un beau spectacle soigné qui, à l'instar du roman, reflète un joli portrait de l'enfance.


Harry Potter et la Chambre des secrets (2002)
Même recette que le premier, même succès. Quoi que les ingrédients se noircissent déjà un peu... Harry a assisté au retour vaincu de Voldemort, le Mage noir, à la fin de l'année précédente. Mais cette deuxième année ne s'annonce pas de tout repos non plus. Une chambre secrète aurait été ouverte et son héritier sème le chaos dans l'école en pétrifiant les élèves... Le Seigneur des Ténèbres serait-il une nouvelle fois derrière tout ça ?
Dans son deuxième livre, Rowling prouve que le premier n'était pas un coup de bol. Son univers est déjà bien installé et les fils de l'intrigue se nouent déjà. Columbus parvient à saisir l'atmosphère plus angoissante de ce deuxième volet, tout en offrant toujours cette même qualité de spectacle. Harry Potter est bien parti pour devenir une saga cinématographique à succès.


Harry Potter et le Prisonnier d'Azkaban (2004)
Le troisième film marque le plus grand tournant dans la saga Harry Potter au cinéma. Alfonso Cuaron, réalisateur mexicain auteur d'Y tu mama tambièn, est un choix aussi audacieux qu'inattendu de la Warner. Un moyen d'utiliser à leur guise un réalisateur quasi inconnu ? Le résultat démontre le contraire. Harry et ses amis deviennent des adolescents. Là où Columbus brillait pour exploiter le thème de l'enfance, Cuaron semble saisir le changement nécessaire alors que le héros a treize ans. Photographie plus sombre, décors restitués aux allures d'une Écosse brumeuse et inquiétante, Le Prisonnier d'Azkaban pose réellement les fondations dont se serviront les prochains films. L'histoire se complexifie et tend vers une dramatisation importante (le thème de la mort, ca y est on y est) qui donne à juste titre l'intérêt de cette franchise en apparence populairement enfantine : car la vraie force des livres est à la fois l'univers magique propice à l'imagination, certes, mais aussi ces sujets abordés, profondément humains. Ce troisième film, plus grave, plus ciblé dans la véritable atmosphère de la saga, était sans doute le film à ne pas rater. Et il ne l'est pas.


Harry Potter et la Coupe de Feu (2005)
Volet pilier de la série, ce quatrième film est sans doute moins réussi que les précédents. Sans jeter la faute sur le nouveau réalisateur, Mike Newell, il y a sans doute dans ce trop plein d'action scénarisé avec des raccourcis indigestes pour les fans, cette peur de lasser un public qui commence à bien connaître Harry Potter, ses potes, ses problèmes et son école. Le livre, beaucoup plus dense, donne bien du fil à recoudre... Il y a dans cette suite, un équilibre un peu perdu, un univers un peu oublié, mais du spectacle avec un budget qui se voit à l'écran. La séquence aquatique reste dans les mémoires (des cinéphiles en général je pense) de par sa beauté et sa virtuosité technique. Également, La Coupe de Feu permet enfin de voir la véritable résurrection de Voldemort qui replonge (enfin ?) le film dans une noirceur pertinente. Ralf Fiennes se révèle parfait dans la peau glissante et ondulante du Seigneur des ténèbres. On peut aussi retenir la performance d'acteurs, le scénario osant plus dans les émotions du fait de l'expérience de Radcliffe (séquence de la mort de Cédric par exemple), Grint (potentiel comique) et Watson (scène mélodrame du bal de Noël...). Les personnages se creusent malgré le fait que cette page là est sans doute moins réussie que les précédentes. Mais sa fin (le retour de Voldemort) en tourne d'autres qui promettent déjà de nouvelles expériences.


Harry Potter et l'Ordre du Phénix (2007)
Voldemort est revenu mais personne ou presque n'ose vraiment croire Harry... ou ne sont pas prêts à croire. Subtile revirement dans le livre de Rowling qu'un nouveau réalisateur sortit tout droit des téléfilms, David Yates, est avide de mettre en scène. L'Ordre du Phénix retrouve l'esprit qu'avait perdu le volet précédent. Même si scénaristiquement le film prend de plus en plus de libertés vis à vis du roman (compréhensible vu sa densité, sans rappeler que le cinéma et la littérature sont deux écritures différentes), le tout se tient bien, mieux que le côté expédié reproché à La Coupe de Feu, et libère une certaine insolence malicieuse – Harry et ses amis se rassemblent et brisent les règles du Ministère pour vaincre Voldemort – tout en excellant dans l'émotion et le spectacle. Le paroxysme se retrouve à la fin, où après une bataille exceptionnelle et visuelle entre les deux plus grands magiciens, la séquence la plus émouvante et envoutante de la série se révèle vraiment très juste dans ce que résume toute cette histoire (l'amour, l'amitié, la pitié, l'ignorance...). Bonne réussite, qui a déjà le simple mérite de paraître fluide bien que le roman soit le plus complexe.

Harry Potter et le Prince de Sang-Mêlé (2009)
Le potentiel problème pour un avant dernier film est de se contenter d'annoncer le dernier. Heureusement, la matière de Rowling tente de déjouer au maximum cette fatalité par un jeu habile par découverte de qui est vraiment Voldemort, de son enfance à son échéance. Yates, rôdé, reprend le flambeau et offre un spectacle d'une qualité toute aussi satisfaisante. Moins énergique que les autres volets, sans doute plus narratif, Le Prince de Sang-Mêlé a néanmoins cette belle réussite d'évacuer un manichéisme facile en s'attachant aux raisons d'un déclin. Il est sans doute le volet le plus psychologique, car les émotions n'ont jamais été aussi dures à porter aussi bien au niveau amoureux, que dans le doute de soi (Harry, décidement très bien interprété par Daniel Radcliffe). Il y a beaucoup du troisième volet dans cette pré-fin qui noue de la même façon les fils, ici pour parvenir à la fin à un climax insurmontable pour les impatients. Et beaucoup de savoir-faire, évidemment, par une équipe et une machine qui tourne à plein régime.
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Cette machine va pourtant bientôt s'éteindre. Celle qui, malgré son côté industriel indiscutable et son goût du chiffre, a donné à cette saga une qualité certaine. De la nostalgie des premiers films et des premières lectures pour toute une génération (qui est la mienne), à l'exigence grandissante au fur et à mesure des adaptations, Harry Potter a su donner au cinéma ce qu'un grand nombre de personnes, peu importe leur âge, attendait de voir sur un grand écran : une fenêtre ouverte sur un univers, qui attend de vous tendre la main une quasi-dernière fois dès demain.

14 novembre 2010

Date Limite

Après le succès populaire et critique de Very Bad Trip – délicieusement déjanté – Todd Phillips revient derrière la caméra. Et avec un argument de choc : en tête d'affiche Robert Downey Jr. et Zach Galifianakis révélé dans le précédent film. Le récit, quant à lui, s'installe autour d'une idée scénaristique simple : faire rencontrer puis obliger deux personnages oxymores l'un à l'autre à voyager ensemble pour un roadtrip décalé.
Rapidement, le duo d'acteurs fonctionne. Les péripéties se multiplient dans une trame qui ne s'essouffle jamais au risque de laisser le spectateur sur le bas côté. Le couple improbable formé par ce gros-barbu-maniéré-enfantin-insouciant et cet homme-classe-victime-énervé-bientôt-papa offre aux scénaristes une multitude de possibilités comiques qu'ils n'hésitent pas à enchainer. Certains dialogues, parfaits, deviennent méchamment drôles dans la bouche de ce Downey Jr. et Galifianakis. Date Limite joue la comédie sur deux opposés : ces séquences « scénarisées », reposant sur des dialogues loufoques, et sur le spectaculaire décalé. Mais l'action vitaminée, plus présente que dans Very Bad Trip, donne à la longue un aspect un peu trop virile et surpopulaire. L'équilibre peine à être trouvé si bien qu'une course poursuite en caravane, bien que drôlement inattendue, lasserait presque de tant d'insistance. Autre que l'action, les gags redondants ont également ce mauvais effet de nuire un peu à la subtilité humoristique du film. Redondances par clins d'œil au bord du plagia – entre les cendres du défunt à la Beau-père et moi et la jetée funèbre très ancrée à la Big Lebowski, ou redondances « types » du trip drogue et du cocu incertain, Todd Phillips semble parfois tomber dans la facilité. Mais son film ne tombe jamais dans l'ennuie et trouve toujours un moyen de faire rire, du moins sourire. Des répliques excellentes (« Je ne suis pas comptable. Je suis même pas juif ! »), aux mises en situation à effet dramatisant (le performance d'acteur de Tremblay dans les toilettes, la baston avec l'handicapé...), Date Limite garde cette fougue, cet humour décomplexé et simple qui se fixe comme règle de croire avant tout aux personnages.
Un peu moins aboutit et délirant que Very Bad Trip, Date Limite fera pour autant passer aux spectateurs amateurs du genre de bons moments de délire made in America ; ceci tout en offrant de façon pas con du tout un zeste de réflexion sur l'apriori des uns sur les autres dans un monde moderne qui aime l'ordre... et ainsi que tout (le monde) soit rangé à sa place. Plutôt cool.


Réalisé par Todd Phillips
Avec Robert Downey Jr., Zach Galifianakis, Michelle Monaghan
Film américain | Durée : 1h35
Date de sortie en France : 10 Novembre 2010

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