22 avril 2011

Tomboy

Laure, dix ans, emménage avec ses parents et sa petite sœur Jeanne dans un nouveau quartier. Si Jeanne se rêve en princesse, Laure est plus attirée par le foot ou conduire la voiture avec papa. Lorsqu'elle fait la rencontre de Lisa et les autres enfants du quartier, Laura se fait passer pour un petit garçon, Mickaël.
Après Naissance des pieuvres, il est agréable de revoir le nom de Céline Sciamma pour un deuxième film. Prix Un Certain regard à Cannes, cette chronique adolescente avait touché de par sa sensibilité et son absence de concessions. Parfois stagnante, la mise en scène avait toutefois le parfum agréable d'une jeunesse prometteuse. Bonne nouvelle, Tomboy ("garçon manqué" en anglais) a les mêmes qualités : ici la jeune réalisatrice s'intéresse aux vacances d'été d'une petite fille qui se plait et se reconnaît plus en petit garçon. Si bien qu'il suffit d'une première rencontre, l'utilisation d'un masculin spontané (T'es nouveau ? Tu t'appelles comment ?) et l'envie de ne pas (plus) être un objet de foire quitte à s'inventer un sexe que l'on a pas en pâte à modeler. Laure change ainsi de repères, de copains, et de sexe à leurs yeux. Sous le soleil torride de l'été, on s'abandonne à ce que l'on aime, le foot torse nu en crachant par terre, la baignade de combat où les corps encore asexués mais pourtant refoulés de désir se frôlent et se choquent... Mickaël devient le double artificiel de Laure, et bientôt un secret partagé entre sœurs.
A hauteur d'enfant, Sciamma installe une mise en scène simple, complice, sans toutefois quitter les beaux yeux bleus de sa protagoniste perdue, qui préfère les robes et le maquillage sur les autres petites filles. La jeune Zoé Héran apporte beaucoup à l'efficacité du film. Sobre dans le jeu, jamais dans la dramatisation, l'actrice est une belle perle rare. Il faut dire qu'après le reflet d'une adolescence en quête de tout, Sciamma prend à nouveau un risque avec ce projet. Faisant des enfants les personnages principaux, elle parvient avec une réussite plutôt convaincante à trouver la vérité des situations narrées. Si certaines séquences se heurtent à la grande difficulté de diriger un enfant dans son comportement habituel (l'action-vérité pipi caca plombe quelque peu), la direction d'acteur et le choix de casting reste étonnant, à l'image de Lisa, très juste en jeune des quartiers qui s'éprend de Mickaël.
Jouant le suspens de situation, Tomboy se laisse regarder avec un plaisir non coupable, proposant une approche humaine de confidence, ici à parole d'enfant, qui donne un charme singulier au cinéma de Sciamma. Cependant, de même que pour Naissance des pieuvres, Tomboy se heurte quelque fois à une narration paresseuse qui peine à faire évoluer la situation. Particulièrement dans le collimateur ici, la place des parents, jamais vraiment très claires dans ses intentions - confidents ? maladroits ? absents ? - surtout pour le père, d'abord attachant puis à côté de la plaque dans sa conclusion (« Tout ira bien. D'ailleurs, tout va déjà bien... »). Alors que non. Mais jamais irritants, ces points faibles viennent surtout nuancer un petit film sincère, brouilleur de genre, témoin d'une jeune envie de cinéma qui fait bon à goûter, comme des bulles pétillantes dans une eau un peu plate.


Réalisé par Céline Sciamma
Avec Zoé Héran, Malonn Lévana, Jeanne Disson
Film français | Durée : 1h22
Date de sortie en France : 20 Avril 2011

4 avis gentiment partagé(s):

neil a dit…

J'ai moi aussi beaucoup aimé ce film sensible et attachant. J'ai eu un peu la même réaction que toi vis-à-vis des parents mais finalement je trouve que c'est assez judicieux de la part de Sciamma. Comme dans Naissance des pieuvres où les adultes étaient absents, ici on suit juste les enfants. Et au spectateur de se faire sa propre opinion.

Wilyrah a dit…

Un joli petit film, poétique, sensible, simple, intimiste.

Squizzz a dit…

Je suis d'accord avec toi, autant sur les points forts que faibles du film. Céline Sciamma réussit sans conteste nettement mieux sa réalisation (intime, poétique, sensible) que son scénario qui peine à remplir les 1h20 du film. Le problème de direction de jeunes acteurs est vrai dans certaines scènes, mais force est de constater que le travail fait avec la très jeune mais non moins talentueuse Zoé Héran est tout simplement étonnant. Au final, un film "sincère" comme tu le dis, et qui ne peut que toucher.

Bob Morane a dit…

Beacoup aimé. Très beau et sensible. Superbement filmé et joué avec talent et conviction.

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