24 avril 2011

Paris, Texas

Travis et Jane s'aimaient autrefois. Un jour, ils disparaissent laissant derrière eux Hunter, leur enfant de quatre ans. Recueilli par un couple d'amis, quatre années se découlent dans le mystère. Puis un coup de téléphone vient donner une lueur luminseuse dans le brouillard : Travis a été retrouvé, à bout de force, en plein désert. Que s'est-il passé ? D'abord muet, ireconnaissable, bientôt Travis revient dans le monde des vivants, retrouve la parole et son fils abandonné. Les retrouvailles sont difficiles, encore coagulantes de non-dits... Regrets, premières paroles, premiers espoirs. Avec son enfant, Travis part à la recherche de son épouse disparue. Il la retrouvera coûte que coûte et remontera le passé de son silence maladif....
Paris, Texas est une merveille, un miracle issu d'une production pourtant cafardeuse. Scénario complété au tournage, absence de Sam Shepard, le co-scénariste... Le film, de façon extraordinaire, se nourrit de cette création en continue, sans cesse inspirée sur elle-même au fil du tournage et de l'écriture. Wim Wenders vient ici sublimer son genre de prédilection : un road movie contre l'oublie et les sentiments qui s'envolent comme les années de silence. Paris, Texas est une œuvre mouvante, difficilement arrêtée dans son influence émotionnelle et plastique. Cadré par l'un des meilleurs directeurs de la photographie, Robby Müller (passé entre autre derrière la caméra de Friedkin, Jarmusch, von Trier) propose une image très travaillée, au bord de l'artifice. Baignant souvent ses séquences dans des bains de lumières colorées par des néons, les couleurs primaires viennent harmonieusement accompagner Travis dans sa quête intérieure. L'image se construit peu à peu en couleur en même temps que le protagoniste se reconstruit au gré du passé. Wenders et Müller propose ainsi de superbes moments de cinéma, en passant de la révélation bleutée de la mère adoptive qui nourrit un espoir chez Travis, à la visite du lieu de travail de Jane qui, maintenant que la vérité est proche, varie incessamment les teintes jusqu'à ces retrouvailles, extraordinaires, entre deux êtres déchus d'une passion éphémère qui viennent pourtant, pour une dernière fois, se compléter sur une vitre sans teint. En exploitant le splitfocus, Wenders donne autant de précision au premier qu'à l'arrière plan, pour ne rien cacher ou flouter. Paris, Texas est au contraire un film de retour, de remplissage, un vrai film d'amour. La couleur rouge dominante, illustre cette passion perdue bientôt retrouvée le temps d'un instant.
Des paysages désertiques abondants de lumière, aussi magnifiques qu'imperturbables, Wenders accompagne son personnage vers une longue route de secrets, laquelle se conclue sur une réussite des plus marquantes. Économie des dialogues (le film est à l'extrême inverse du travail de Jane dans ses décors restreints), de la musique aux accords tant discrets qu'efficaces et d'explications narratives montées de toute pièce, Wenders fait voyager son spectateur sans jamais lui indiquer une quelconque destination, sinon celles des plus belles émotions de cinéma, quelles qu'elles soient.


Réalisé par Wim Wenders
Avec Harry Dean Stanton, Nastassja Kinski, Hunter Carson
Film français, britannique, américain, allemand | Durée : 2h25
Date de sortie en France : 19 Septembre 1984


En complément : la critique de Pina chez Excessif
chez Le Nouvel Obs.com

4 avis gentiment partagé(s):

Ben a dit…

Un de mes films préférés, d'une beauté insondable. Mais quelle critique tu as écrite ! Elle dit tout ce qu'il y a à dire sur ce chef d'œuvre, tu as mis des mots sur des sensations assez indescriptibles tant elles s'emparent de nous pendant le film ! Chapeau l'artiste !

Yohan Granara / Raphael K a dit…

Bien d'accord...
Un très très très grand film !
Ça mériterait même 6 sur 5 ^^ !

Sebmagic a dit…

Pas encore vu mais j'ai hâte de le voir ! Il a l'air cool.

Jérémy a dit…

Je ne peux que te le conseiller Seb.

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