17 avril 2011

Essential Killing

Grand prix du jury à la Mostra de Venise en 2010, prix d'interprétation pour Vincent Gallo, Jerzy Skolimowski dégage un grand respect chez les critiques, cinquante ans après ses débuts avec Signes particuliers : néant, La Barrière ou Le Départ. Revenu en 2008, après une semi retraite, avec le drame éblouissant Quatre nuits avec Anna, le cinéaste polonais avait montré qu'il avait encore soif de pellicule, et bien raison de l'avoir. Essential Killing a ainsi tous les ingrédients pour se faire savourer.
Mais il faut avouer, malgré les éloges dithyrambiques de la presse, que ce survival objectif peut décevoir sur plusieurs points... Il reste néanmoins certain qu'on ne pourra reprocher à Essential Killing son audace et sa prise de risque. En effet, Skolimowski dirige l'œil de la caméra avec toujours cette même distance plus apolitique que réellement pudique - finalement on s'identifie rapidement à ce traqué sanguinaire - en soustrayant cela étant toute explication concrète (Quel pays de l'Europe de l'est ? Qui est cet homme ? Agit-il à la guerre par conviction ?). Le réalisateur se dénude de tout contexte polémique pour proposer une vraie immersion catharsique, une plongée dans l'enfer de cet évadé pour lequel on se surprend de compatir. Et cette plongée se fait à deux mille mètres de profondeur sans bouteille d'oxygène : d'un meurtre à la tronçonneuse à une séquence d'allaitement effroyable, Skolimowski n'épargne pas son spectateur qu'il met clairement à rude épreuve. Mais il n'épargne pas non plus une esthétique vraiment maitrisée, à l'image de ce décor désert de forêt glacée qui s'accorde parfois avec une cruelle harmonie à la psychologie même du personnage, comme la séquence de grimpe interminable, peut-être la plus belle et la plus parlante du film. Il se dénude aussi de dialogues (les voix sont toujours lointaines ou transmises à travers des appareils) et finalement de tout schéma cinématographique connu laissant sans cesse place à l'imprévisible, où des flashbacks métaphoriques croisent des visions du futur et où la mort guette chaque mouvement et chaque centimètre carré de ce décor hivernal. Skolimowski expérimente plutôt efficacement le genre du survival en n'offrant aucune autre alternative, aucune crise qui viendrait complexer le suspens original du film qui reste toujours le même : survivre, coûte que coûte.
Si ce regard posé sur l'instinct de survie interpelle les sens, l'expérience Essential Killing ne va pour autant pas au-delà. Bien que court (1h20), la narration se heurte souvent à un mou partiel qui vient quelque fois tuer un rythme pourtant soutenu dans toute la première partie du film. Des séquences de survie viennent ainsi remplir, narrer la situation désastreuse de son protagoniste sans pour autant proposer un réel intérêt. Si le suspens demeure, le scénario donne l'amère frustration de ne pas creuser plus ce personnage qui se cantonne à cet exercice de style de rester blanchi - survivre oui, mais pourquoi ? - si bien que le dénouement arrive comme un cheveu sur la soupe sans pour autant étouffer son consommateur.
Intéressant, quoi que légèrement suffisant, Essential Killing se laisse surtout voir pour l'interprétation géniale de Vincent Gallo qui vient gommer le jusqu'au boutisme froidement cloisonné du film, à la fois son plus grand mérite et défaut car l'idée se mord en fin ce compte un peu la queue.


Réalisé par Jerzy Skolimowski
Avec Vincent Gallo, Emmanuelle Seigner, Nicolai Cleve Broch
Film polonais, irlandais, français, norvégien, hongrois | Durée : 1h23
Date de sortie en France : 06 Avril 2011

2 avis gentiment partagé(s):

mymp a dit…

J'aurais moins de demi-mesure que toi : ce film est une purge, un des pires que j'ai vu cette année. Pourtant amateur de sensations au cinéma, là j'ai vraiment été déçu, et même très énervé en sortant de la salle. C'est ennuyeux à mourir, absolument pas prenant ni hypnotique, je ne comprends pas moi aussi l'engouement des critiques et celui de beaucoup de blogueurs. Même Gallo ne m'a pas tant impressionné que ça, c'est dire... Je réserve à Essential killing une place de choix dans mon futur top flop 2011 ;)

Jérémy a dit…

Pourquoi tant de haine ?! ^^
J'ai vu que t'assassiner le film sur la blogosphère, moi je reste en demi-teinte (je suis pas normand pour rien !).
Il y a du bon dans ce film je pense, de l'audace et une approche quasi chirurgicale du protagoniste qui n'est pas inintéressante. Mais je pense qu'au delà de l'exercice plastique le réalisateur a oublié finalement de raconter quelque chose. C'est... un peu embêtant quand même.

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