2 avril 2011

The Company Men

Bobby a une belle maison, une Porsche dans le garage, une femme aimante et deux enfants. Mais voilà, un beau matin sa cravate ne fait qu'un tour : licencié par son entreprise soumise à un Dow Jones malade et les suppressions de personnels qui en découlent, il se retrouve chez lui au chômage. Comme beaucoup d'autres, bientôt Phil et Gene, deux autres collèges haut placés connaissent le même sort. Crise quand tu nous tiens...
John Wells, dont c'est la première réalisation au cinéma, signe un film humain, et au combien bienvenue dans une production américaine contemporaine trop pauvre de ce genre de film social. De plus, le casting a de quoi séduire : Ben Affleck, Tommy Lee Jones, Chris Cooper et même Kevin Costner se croisent à travers un récit assez simple. The Company Men s'attache en effet à des figures importantes d'une entreprise fictive, des ordinaires d'une classe aisée dont il est assez plaisant de voir remettre en cause. Car le film de Wells a un bel atout au démarrage : mettre en péril le destin des grands patrons millionnaires, et celui même de la structure économique de la plus grande puissance mondiale.
Déjà pertinent, le scénario joue la carte de la sobriété. Bobby, attaché à sa précédente vie, redescend doucement de sa bulle aidé par sa femme (parfaite Rosemarie DeWitt) tandis que les jadis directeurs prennent peu à peu conscience de la nostalgie de leur début dans l'ère industrielle. Si ce retrait vis à vis d'un cinéma dramatique est honorable, la distance émotionnelle semble un peu poussée. Ainsi, faute d'émotions pleinement mises en avant, la parallèle de la mise en scène peine souvent à satisfaire. Sans doute trop pudique humainement, le récit de The Company Men empêche au film de trouver des moments de grâce là où il ne propose que des séquences certes travaillées, mais à la dimension humaine négligée. A défaut ne pas trahir un public respecté, Wells semble un peu hésitant (les couples de Phil et Gene, pourtant meurtris, ne sont jamais sujets d'intérêt) et se concentre peut être trop sur ses figures masculines. A y regarder de plus près, les rares séquences émotionnelles sont pourtant les plus réussies, notamment celles de Bobby rassurant un fils délaissé ou se faisant pardonner auprès de sa femme sacrifiée. On reste ainsi frustré du peu de potentiel exploité chez les acteurs, que l'on connait pourtant très bons.
Heureusement, The Compagny Men est moins hésitant politiquement, assumant le propos de bout en bout jusqu'aux scènes où le grand patron apparait aussi inhumain et froid qu'un immeuble. Le film, malgré sa prudence, conserve une élégance agréable, évidemment pertinente, qui replace l'homme et son costard à sa hauteur, autrement dit aussi minuscule que devant les grattes-ciels qu'il construit. A l'heure ou les bourses et les chiffres régissent un monde qui tourne à toute vitesse, The Compagny Men vient avec une fausse naïveté nous rappeler que l'humain n'a pas de prix, et que le rêve américain coûte cher en dollars et moralité. Surprenant, ce film encore pudique reste néanmoins une jolie et précieuse réussite ; à en faire regretter que l'Amérique et ses dollars ne se regarde pas plus souvent dans le miroir universel des toiles de cinéma.


Réalisé par John Wells
Avec Tommy Lee Jones, Ben Affleck, Chris Cooper
Film américain, britannique | Durée : 1h52
Date de sortie en France : 30 Mars 2011

9 avis gentiment partagé(s):

Squizzz a dit…

L'intention du John Wells est d'autant plus louable qu'elle est effectivement rare dans le cinéma américain. Le film a cependant les défauts du ciné US, avec son manque de finesse dans l'argumentation, son accumulation de clichés et son obligatoire happy end. Pas un mauvais moment, mais un film social aux traits un peu gros.

2flicsamiami a dit…

J'ai trouvé comme toi le film très réaliste et pas du tout gros comme le dit Squizz.
Il manque, comme tu dis, une réalisation un peu plus porté sur émotionnelle (bien que le suicide d'un des personnages principaux soit magnifiquement réalisé et mise en scène).

Jérémy a dit…

Je ne dirai pas que les traits sont un peu gros. Justement, je trouve que Wells (décidément ce mec a un nom à faire du cinéma ! ;)) abuse de sobriété, en voulant s'écarter au maximum des schémas narratifs connus.
Par contre, cette sobriété reste justifiée et assez habile à plusieurs reprises, notamment lors de la séquence du suicide dont tu as raison de revenir dessus 2flicsamiami.
Après, j'aurai personnellement aimé un peu moins de pudeur dans la dramatique des situations.
Mais on est tous trois d'accord je pense pour dire que 'The Company Men' reste un projet largement louable et assez inattendu.

fredastair a dit…

Au contraire, je souscris à 100% à la "sobriété" que vous semblez fustiger, la finesse de touche n'a jamais fait de mal aux portraits humains/humanistes. C'est justement elle qui fait de "The comapny men" une petite réussite, malgré les défauts inhérents du ciné hollywoodien classique (happy-ending ensoleillé, réalisation lisse et finalement assez télévisuelle), que vous avez d'ailleurs déjà soulignés tous les trois.

Autre point d'accord concernant ta critique : les couples de Gene et de Phil sont laissés de côté. Un peu pareil pour K. Costner, tout de même une petite légende du cinéma rappelons-le, qui est ici carrément sous-employé. Enfin, à propos de la "parfaite Rosemarie Dewitt", je dis oui, à condition de rajouter "la (très) belle et parfaite..." ^^

Bien écrits ces articles!

Jérémy a dit…

Il est vrai que la sobriété a du bon, même du très bon pour quelques séquences. Après je continue quand même de penser qu'un peu plus d'impudeur dans le jeu des acteurs aurait fait gagner le film en émotion.
Je n'irai pas du tout discuter sur ton adjectif supplémentaire fredastair ! ;)

Phil Siné a dit…

mouirf, ça m'a un peu ennuyé pour ma part... je trouve certaines réactions un peu clichés... et que le film ne vas pas assez loin, justement, dans la dénonciation de l'économisme pur et dur !

dasola a dit…

Bonsoir Jérémy, je confirme que ce film (vu hier soir) est sobre. Il est surtout bien interprété. Il ne restera pas forcément dans les annales. Bonne soirée.

Bob Morane a dit…

Belle critique que je partage. Beau film mais qui m'a déçu pour les mêmes raisons. Je trouve qu'il cherche trop à nous faire pleurer plus la perte de voitures décapotabes et séances de golf que sur le côté humain.

Jérémy a dit…

Phil Siné : C'est vrai que le tout reste peu courageux... mais l'intiative est là. Je trouve que c'est quand même important.

Dasola : Non il ne restera pas dans les annales, en espérant qu'il inspire peut-être d'autres qui eux s'y inscriront !

Bob Morane : Je trouve qu'il y a quand même un aspect humain assez prononcé. Ca reste pudique, mais vis à vis du sujet, je trouve l'entreprise assez louable quand même (c'est rare de traiter aussi sobrement et aussi "proche des gens" un thème social crucial... aux Etats-Unis). Ca fait finalement film de gauche un poil timide. C'est déjà pas mal...

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