5 février 2012

Les Chants de Mandrin

Louis Mandrin, célèbre hors-la-loi et héros populaire du milieu du XVIIIème siècle, est mort. Ses compagnons poursuivent alors le combat du contrebandier en vendant divers produits dans des marchés sauvages, récitant et chantant la vie glorieuse de leur héros politique désormais défunt.
C'est le postulat de départ du quatrième film de Rabah Ameur-Zaïmeche. Posant sa caméra dans divers environnements qui lui sont familiers (la banlieue, l'Algérie) et désormais dans différentes époques (c'est son premier film historique), le cinéaste a su trouver une critique fidèle au détriment du grand public. Prix Jean Vigo en 2011, Les Chants de Mandrin confirme cette double tendance bien connue des cinémas les plus exigeants.
Le film, comme la considération déjà acquise de son cinéaste, n'est pas une imposture : photographie travaillée, respirations enivrantes (le paysage, l'émerveillement quasi enfantin devant une entreprise d'imprimerie, le dernier plan énigmatique), le spectateur fait face à l’œuvre d'un auteur complet – producteur, scénariste, réalisateur – absolument libre dans la manipulation de son médium. Résultat, Les Chants de Mandrin fait côtoyer singulièrement la poésie avec la politique et surtout s'impose rapidement comme un témoignage avoué de notre époque contemporaine. Ameur-Zaïmeche utilise le genre historique comme un théâtre de marionnettes et parfois même comme un jeu dans les séquences de bataille. Il n'est qu'un prétexte, un plaisir de cinéma qui vient contreplaquer les réelles ambitions du film : brûlot contre la censure des gouvernements, nécessité de l'art dans des sociétés aseptisés, derrière les apparences Les Chants de Mandrin ne parle que de notre époque. En bon élève de Godard disant que l'on ne filme que le présent se déroulant devant la caméra, Ameur-Zaïmeche propose ainsi un film singulier, pauvre économiquement mais au propos intact.
Mais une fois ce travail de bonne lecture accompli, qu'en reste t-il vraiment autour ? Autant le dire, Les Chants de Mandrin est un pure acte cérébral, souvent ennuyant lorsque son approche théorique est assimilée. Si le genre historique n'est qu'un prétexte, l'anachronisme est sans importance ; difficile tout de même de rester véritablement tolérant devant nombre d'invraisemblances (costumes, fusils, décors, langage...) qui piquent les yeux du spectateur lorsque son attention s'égare. Et elle s'égare souvent devant l'excentricité de ce style, notamment due à des performances d'acteur douteuses qui frisent – il faut le dire – parfois la médiocrité.
Alors si dans sa cinématographie poétique Les Chants de Mandrin harmonisent joliment l'Histoire à la politique actuelle, le film reste un objet intellectuel réservé aux intéressés, jamais vraiment imposant, jamais franchement passionnant non plus.


Réalisé par Rabah Ameur-Zaïmeche
Avec Jacques Nolot, Christian Milia-Darmezin, Kenji Levan
Film français | Durée : 1h37
Date de sortie en France : 25 Janvier 2012

1 avis gentiment partagé(s):

Enattendant a dit…

Tellement pas d'accord avec toi, j'ai trouvé ce film sensuel, plus que cérébral, et revigorant aussi, bien sûre qu'il parle de notre époque, mais il est aussi juste historiquement, puisqu'il partled'un procédé qui a existé de tous temps et qu'il s'agit d'une continuation! Dommage que tu te sois laissé embrigadé dans le cérébral, du coup tu n'as pas vu la fraîcheur et la force de ce film!

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