Le retour de Terrence Malick ne s'est une nouvelle fois pas fait dans la discrétion. Images promotionnelles au compte goutte mais d'une beauté hypnotisante, deux stars hollywoodiennes imprimées sur l'affiche... et surtout ce réalisateur anonyme, véritable personnage en soit, qui a depuis le début pris le partie de se taire au profit de l'interprétation, et d'un certain mystère bien évidemment. Révélé au milieu des années 70 avec La Balade sauvage, puis Les Moissons du ciel, Terrence Malick a toujours nourri une sorte de mystification autour de son cinéma singulier, narrativement mis à mal et tourné vers des thèmes proches de la philosophie. The Tree of Life a germé dans l'esprit du cinéaste dès les années 80. Mais ce projet, appelé à l'époque Q, ne voyant pas le jour, Malick disparu de la surface du globe pour ne revenir que vingt ans plus tard avec La Ligne rouge, un film de guerre au casting étoilé et au budget faramineux qui restera son œuvre la plus reconnue. Ainsi, après Le Nouveau monde en 2006, Malick est enfin parvenu à monter ce projet, certainement le plus ambitieux de sa carrière de cinéaste.
The Tree of Life reprend les mêmes thématiques que se films précédents, même cette fois-ci il les laisse dominer comme des électrons libres. Au cœur du noyau, ce protagoniste, Jack. Enfant, il grandit en voyant venir au monde ses deux petits frères. Éduqués par un père violent et une mère d'une tendresse oxymore, les questions tourmentent son esprit naïf. Haine, amour, tentation, peur... Quarante ans plus tard, ces émotions sont restées toujours aussi intactes et violentes au souvenir de la perte d'un de ses frères. Muet, mise en scène d'un élément déclencheur dramatique, le film impose dès son exposition une absence, une mort soudaine encore inconnue. The Tree of Life se construit autour d'un vide, au fond d'un puits de questionnements énigmatiques sur notre vie et notre propre conscience humaine. Frère, père, mère... Les appellations sonnent comme des vers en fugue du poème cinématographique. L'injustice, l'éphémère, l'oubli, tant de tortures de l'esprit qui viennent remplir ce film périlleux, qui tend plus vers l'expérience sensitive que vers la fiction de cinéma.
Malick pousse en effet les limites de la narration à des degrés qui en laisseront assurément beaucoup plus d'un de marbre. Sans vraiment se comprendre dans une ligne directrice évidente, The Tree of Life se pense librement. Car au travers de ces images subliminales magnifiques, de cette structure aux allures complexes qui varient présent et passé jusqu'au Bing Bang de l'univers, il y a avant tout cette incitation à trouver ce qu'il y a de beau dans ce spectacle animé. Mouvante comme le flottement incessant de la caméra, la mise en scène n'explicite rien, propose tout. Le cinéaste semble lui-même chercher cette grâce espérée de ses protagonistes avec une humilité bouleversante, présentant un monde qui réfléchit entièrement sur lui-même comme un unique être, éternellement ignorant sur le pourquoi de son existence. L'homme, cette petite branche de l'arbre, n'avait rarement semblé aussi fragile et à sa place dans ce cosmos qui n'appartient à personne. Et au cinéma d'en proposer une approche radicale, baignée d'intelligence, qui n'est toutefois pas sans justifier l'extrême ambition pragmatique de cette œuvre décidément troublante, et difficile d'accès.
Réalisé par Terrence Malick
Avec Brad Pitt, Jessica Chastain, Sean Penn
Film britannique, indien | Durée : 2h18
Date de sortie en France : 17 Mai 2011
16 mai 2011
The Tree of Life
18:32
Jérémy
16 avis gentiment partagé(s):
vu ce que tu en dis, je crois que je vais adorer !
mais quel rapidité : aussitot vu, aussitot chroniqué ! bigre... ;)
Grosse déception pour ma part. Trop long, trop fumeux, trop gnan-gnan. On dirait presque que Malick se caricature, s'en est gênant. Tu y as vu de l'humilité, j'y ai plutôt vu une prétention et du chichi. Aucune émotion n'arrive à surgir de cette purée mystique aussi subtile que cette bouse de The fountain, c'est dire !
Le film est magnifique, point barre. Ceux qui y cherchent un sens ont loupé le plus beau.
Ce film ne m'a convaincu qu'à moitié. J'ai passé la moitié du film en extase et l'autre moitié à me faire royalement chier (désolé mais c'est le mot). Je regrette la symbolique à 3F, le message ultra-religieux et son côté grandiloquent. En revanche, Malick filme vraiment comme un Dieu et atteint à certains moments des sommets de virtuosité.
Moi j'ai apprécié également, j'y vois aussi une sorte d'humilité dans le fait qu'il prône une unité des hommes dans leur ignorance des questions supérieures, la voie religieuse c'est sa proposition, son choix, mais c'est secondaire, les images emportent tout, un peu trop parfois...
Enfin quelqu'un qui en dit du bien!!ça m'a l'air assez intéressant et va falloir que je jette un œil dessus!!
Phil Siné : J'attendrai de voir si tes présages étaient bons !
Mymp : C'est sur ce genre de commentaire que je me sens sur une autre planète que toi ;) . J'ai pris beaucoup d'émotions à la figure, presqu'autant que devant l'ovni d'Aronovski. Mais si j'ai beaucoup d'estime pour ces films, je me décourage finalement de les défendre.
Gabriel : Radical ! Je ne sais pas. Pour ma part, je comprends parfaitement les gens qui y voient un vide sidéral. C'est la nuance que j'ai essayé de théoriser à la fin de mon billet...
Wilyrah : Un des exemples de la pluralité des ressentis possibles : je n'y vois absolument pas un film sur la religion. Pour moi l'appellation de "Dieu" n'a rien de concrètement chrétien, je l'interprète plus comme un être supérieur présent dans une nature qui nous domine et nous observe. Je pense que les tourments de Malick s'oriente plus sur notre propre monde, que la religion de foi dans laquelle l'homme se recueille.
Sur le terme "virtuosité", je ne peux que te suivre !
Ben : Même commentaire sur la religion mais je comprends ton approche. Il est clair que 'The Tree of Life' abonde d'images.
Bruce Karft : Oui ! J'ai tendance à penser qu'importe si l'on aime ou que l'on reste hermétique, ce film reste dans tous les cas intéressant.
Difficile d'accès en effet. J'ai été aussi déçu que Mymp, mais je garde l'espoir que Malick livre un message dans son film, catho, certes, mais pas dénué d'intérêt, et je continue de fouiller pour savoir ce qu'il nous cache.
Mais dans son ensemble, c'est selon moi un film assez mauvais, très prétentieux, et très ennuyeux...
J'ai été prodigieusement emporté par le lyrisme du film et de ses images. Une multitude de sensations qui élèvent le cinéma à ses plus nobles ambitions artistiques. Un petit bijou.
J'aime beaucoup la première phrase de ta critique "Le retour de Terrence Malick ne s'est une nouvelle fois pas fait dans la discrétion", c'est vrai, et ce justement grâce à la discrétion de son réalisateur. J'aime bien le paradoxe !
A part ça, tu sais déjà que je suis d'accord avec toi, même si j'aurais bien vu une petite étoile supplémentaire ;)
Je te rejoins aussi sur ton commentaire en réponse à Wilyrah. Malick n'impose pas la religion chrétienne, par contre se tourne vers quelque chose de supérieur, en réponse aux questions de l'homme pour lesquelles il ne peut pas trouver de réponses concrètes. Après cette approche est la base de toutes les religions, donc oui Malick aborde quand même directement ce sujet. Je comprends que son parti pris ne convienne pas à tout le monde, mais la question se pose obligatoirement lorsque l'on traite de la vie, de l'humanité, de l'univers.
Un film virtuose mais qui n'atteint pas la rythmique des ses deux précédents films avec une partie naturelle issue d'un best-of de docu France Télèvision. Mais c'est hyper prenant.
Le film divise et tu as choisi ton camp, le bon, le même que nous sur ASBAF.
Je te rejoins sur la difficulté d'accès du film, c'est ce qui le rend encore plus beau à mon sens.
Mouais... Des belles images, un son de ouf, mais rien dedans. Ça marche bien l'hypnose apparemment...
Copa738 : Les dénonciations de "catho" et de "prétentieux" me dérangent un peu car je trouve que ce n'est ni un film sur la religion, ni un film idéologiquement dictateur. Mais peut-être que je me trompe et que Malick se prend pour le roi du monde... il cacherait son jeu bien plus que les gens ne le pensent dans ce cas.
Neil : Ah. Ouf ! ;)
Squizzz : La religion est un sujet délicat. 'Tree of Life' m'a énormément fait penser à 'La Ligne rouge' qui est, de la même façon, un film qui réfléchit plus sur l'égarement de l'homme face à une nature primitive et dominatrice, qu'aux idéologies qui le guide. Je n'ai jamais perçu l'appellation 'Dieu' comme un appel catholique mais plus comme le référent à une puissance innomable.
2flicsamiami : Prenant, c'est tout à fait ça !
Vincent : ASBAF sur la même longueur d'onde que moi... je peux sécher mes larmes avec le PQ de vos bureaux Vincent ? ;)
Yoyi : "Hypnose" finalement pourquoi pas. Mais celle de 'Tree of life' n'aurai alors à mes yeux rien de foncièrement péjorative.
Je te rejoins complètement sur le côté expérience sensitive du film, ainsi que sur la grande liberté dont jouit le spectateur face aux questionnements de Malick. Du grand cinéma et une expérience plutôt bouleversante pour ma part :)
Malick a son parti pris, après c'est au spectateur de le suivre ou pas. C'est une proposition, beaucoup de questions sont posées, sans trop de réponses. En tout cas, les images sont sublimes, les acteurs au top. Je regrette juste les passages avec Sean Penn, qui ne m'ont pas touchés, j'avais l'impression d'être dans une pub pour un parfum...
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