20 mai 2011

Le Gamin au vélo

Cyril, un enfant de 12 ans, cherche obstinément à retrouver son père disparu. Laissé dans un foyer, il n'accepte l'idée qu'il ait pu s'envoler, sans le lui dire, et surtout sans lui avoir redonné son vélo. La route de l'enfant croise alors celle de Samantha, une femme qui décide de le prendre son son aile les week-ends.
Le Gamin au vélo est certainement l'un des plus beaux films des frères Dardenne, assurément leur plus tendre et leur plus sensible. Leur œuvre n'en compatit pourtant pas de cohérence : la mise en scène s'ancre toujours dans cette même mouvance de chronique sociale, la caméra épaule suivant sans distance son jeune protagoniste, ici sous un ciel d'été qui perce tant bien que mal les immeubles du quartier. Ce jeune Cyril c'est évidemment une projection du bébé trainé en poussette dans L'Enfant, la mobylette de La Promesse laissant place à un vélo. Quoi qu'il en soit, il y a toujours eu dans le cinéma des frères belges une sincérité frappante, moins dirigé vers un naturalisme obstiné que vers la recherche des sentiments les plus violents, les plus simples car les plus quotidiens. Ce Gamin au vélo est bien empreint de toutes ces qualités qui offrent à ce film touchant des émotions de belle envolée.
Sans cesse dans la fuite constante, ce jeune Jean-Pierre Léaud du 21ème siècle frappe rapidement de sa spontanéité de jeu, si précieuse et délicate chez les enfants. En suivant la fugue de l'enfant, dès l'exposition, Jean-Pierre et Luc Dardenne donnent à leur film des airs de quête identitaire. Cette quête, tendue sur le fil fragile de cet amour éperdu du fils pour son père, prend une dimension sentimentale à la rencontre de Samantha, interprétée par une Cécile de France bouleversante. Ce personnage féminin, aux vertues magnifiques d'anodinité, serait la marraine de cœur du conte si le film en était un. Les frères Dardenne semblent continuellement effacer leur caméra au profit de leurs acteurs, tout en ne l'éloignant jamais vraiment. Le spectateur est ainsi sans cesse complice du point de vue adopté, particulièrement celui de Cyril, cet enfant vulnérable et perdu, pour lequel l'identification s'épouse aussi doucement qu'une caresse. Une des plus belles séquences est sans doute celle de la révélation du père, le spectateur suivant d'abord l'un, puis l'autre personnage, avant l'affrontement ultime cruel de brièveté.
Avec Le Gamin au vélo, les frères Dardenne confirment que les plus belles émotions sont les plus simples, à l'image d'une des dernières images du film où l'enfant souhaite grimper sur le plus grand vélo pour aller plus vite. Si la part de noirceur n'est pas épargnée du propos (l'abus de faiblesse, les représailles) et que quelques ratures gâchent un peu l'écriture à l'image des frappes de musique ou certaines situations téléphonées, ce plaidoyer contre les étapes grillées de l'enfance fait sans conteste de ce film un joli bijou chromé.


Réalisé par Jean-Pierre et Luc Dardenne
Avec Cécile de France, Thomas Doret, Jérémie Renier
Film français, belge, italien | Durée : 1h27
Date de sortie en France : 18 Mai 2011

12 avis gentiment partagé(s):

Squizzz a dit…

Par contre, là j'aurais bien mis deux étoiles en moins... J'avoue que c'est mon premier film des frères Dardenne (personne n'est parfait !), car leur cinéma ne m'avait jamais vraiment tenté. Et ma première incursion dans leur univers m'a réellement déçu. Je trouve que les réalisateurs abusent trop des ellipses au début du film, au point d'une part de décrédibiliser un peu le film, et surtout d'empêcher de créer un vrai lien avec les personnages. Quid des premiers instants entre le gamin et cette femme venue de nul part ? Pourquoi s'attachent-ils l'un à l'autre ? Il manque vraiment ce début de relation, qui permettrait aussi au spectateur de découvrir les personnages, et de tisser un lien avec eux. Et puis les Dardenne effleurent finalement trop leur sujet, ne creusent pas beaucoup et au final ne proposent pas grand chose de nouveau. Et puis il y a aussi "quelques ratures" comme tu l'écris, qui vienne un peu plus gâcher le tableau. Je ne dis pas que le film est mauvais, mais je suis passé à côté. Ma critique plus complète très prochainement !

Gagor a dit…

Ben je reste d'accord avec toi, même si j'ai moins apprécié le film, j'ai toujours du mal à rentrer dedans, mais je reconnais l'immense talent des deux cinéastes. Et je découvre ton blog (honte sur moi, tu a déjà commenté beaucoup de mes articles, merci), que je trouve très très bien mis en page.
Et, pour revenir au film, tu fais un joli lien avec les personnages des films précédents, lien auquel je n'aurais pas pensé.

Gagor a dit…

D'ailleurs, excuse la question stupide, mais tu viens d'où en Normandie? (moi aussi, je suis quasiment normand, au moins percheron à la base).

neil a dit…

J'aime bien la simplicité du film, et l'efficacité de sa mise en scène. Il a de nombreuses qualités artistiques mais j'avoue que les quelques défauts que j'ai pu puiser dans son scénario m'ont un peu gâché le film. Je n'ai pas été sincèrement touché par cette histoire en fait.

Yohan a dit…

C'est amusant de lire ces commentaires faisant part des scories du scénario, car je n'y ai clairement pas été attentif. J'ai été embarqué par ce film, plus doux que d'habitude pour les Dardenne, ce qui surprend. Puis on retrouve l'explosion des émotions, négatives mais aussi positives. Et surtout, la grande nouveauté, c'est que l'enfant est ici au coeur du dispositif, avec un jeune acteur absolument magnifique. J'aurai encore une étoile ;-)

Phil Siné a dit…

très beau film en effet, comme tu dis le plus tendre des frères... et le plus lumineux aussi !

dasola a dit…

Bonjour Jérémy, je pense que j'aurais plus apprécié le film si le gamin m'avait moins crispée. Et puis la fin est optimiste certes mais il y a quelques facilités et raccourcis dans le scénario qui ne m'ont pas trop convaincue. Bonne journée.

Jérémy a dit…

Squizzz : Je trouve que l'immédiateté des relations humaines est touchante chez les frères Dardenne. Ici, la vertu et l'instinct maternel de Samantha sont si évidents que rien ne sert de s'y étaler. J'aime beaucoup le naturalisme de cette réalisation. Beaucoup crie à la non crédibilité du film : si certaines séquences sont un peu téléphonées c'est vrai, je ne comprends pas l'origine de ces accusations ; j'ai un peu l'impression que c'est justement parce que les situations sont si naturelles et évidentes qu'elle paraissent artificielles au cinéma.

Gagor : Oui il y une cohérence évidente à travers les films des frères belges, mais je n'ai pas vu tous leurs films pour autant.
Oui je viens de Normandie ! (Étudiant à Rouen, mais je migre bientôt à la capitale ;))

Neil : C'est une question de sensibilité après tout. Le personnage de Samantha m'a personnellement bouleversé.

Yohan : Enthousiaste Yohan ! C'est vrai que ce 'Gamin au vélo' est sensiblement plus "doux" que les autres. C'est ce qui en fait sa singularité je trouve.

Phil Siné : Je n'ai pas vu tous leurs films pour suivre ton affirmation, mais je suis tout à fait d'accord sur ce joli adjectif !

Dasola : Tu fais partie des "non convaincues" si je comprends bien ! Je serai curieux de savoir ce que les réfractaires du 'Gamin au vélo' pensent de 'L'Enfant'.

Squizzz a dit…

Le manque de crédibilité tient au fait que j'ai rarement vu dans la réalité une femme qui croise le regard d'un enfant et décide de lui racheter son vélo (dont on se demande comment elle en connaît l'existence) et de le prendre chez elle le WE suivant. Donc justement ce ne sont pas des situations réalistes mais bien de cinéma. Après les scènes de la vie quotidienne qui suivent sont effectivement très naturelles, et je ne remets alors plus en cause leur crédibilité. Mais les raccourcis du début sont pour moi des erreurs car les premiers instants de leur rencontre (et la crédibilité de cette rencontre) sont primordiaux pour qu'on adhère à leur complicité.

Jérémy a dit…

Le cinéma a toujours aimé les hasards :) . Il est vrai que la situation en ressort très cinématographique, là où la patte Dardenne se ressent (et c'est ce qui semble te gêner), c'est qu'aucune narration superflue n'est proposée au spectateur : ils étaient faits pour se tomber dessus, ce jour là, dans cette situation là. La vie n'est-elle parfois aussi simple que ça ?

Squizzz a dit…

Je crois qu'on ne tombera pas d'accord, lol. Pour moi justement cette partie là n'est pas superflue ! Après, la patte Dardenne je ne connais pas, vu que c'était le premier film que je voyais d'eux. Mais si c'est ça leur patte alors peut-être que mon flair ne m'avait jusqu'alors pas trompé ;). Jodie Foster m'a dix fois plus touché avec son "Complexe du castor". Les goûts et les couleurs...

ROSE a dit…

nous avons bien aimé ce film tendre et réel, sénarie original, Thomas joue parfaitement bien son rôle, pas facile cependant ...nous sommes tenus en haleine jusqu'à la fin...et à chacun d'imaginer la suite,.... pour notre part positive.... et une suite possible au film pourquoi pas!!! BRAVO

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