10 janvier 2011

Somewhere

Après Virgin Suicides, son premier long acclamé, Lost in translation et Marie-Antoinette, plus discuté, Sofia Coppola revient sur la toile avec ce Somewhere, qui a conquis la dernière Mostra de Venise se voyant remettre le fameux Lion d'Or. Ce qui est certain, c'est que Somewhere est bel et bien un film de Sofia Coppola : la réalisatrice reste fidèle à son approche épurée et minimaliste de la mise en scène – mettons à part Marie-Antoinette là-dessus. La jeune réalisatrice va même encore plus loin avec ce film où le récit, qui se révèle rapidement simpliste et stagnant, perd de son intérêt au profit d'une forme soignée. En résumé, Johhny Marco est un acteur de cinéma vivant confortablement à Los Angeles. Seul, sa vie se résume à ses nombreux flirts d'un soir et des quelques visites de sa fille Cléo, onze ans. Mais alors que son ex compagne part subitement pour mettre ses idées au clair, il se retrouve à temps plein avec sa fille.
D'abord, Somewhere a indéniablement une tendresse agréable, presque nostalgique, et on-se-demande-même-pourquoi-pas autobiographique. Dans des décors et des choix visuels simples à la limite même de la sobriété abusive, Coppola emmerde Hollywood et n'a pas de mal à faire comprendre au spectateur que c'est avant tout le rapport entre ses deux personnages qui l'intéresse. Et de ce côté, c'est plutôt réussi notamment grâce à une direction et une performance d'acteur certaines. Stephen Dorff, trop rare, est parfait dans ce personnage de vieil enfant un peu perdu et passif, tandis qu'Elle Fanning ne cesse de monter depuis Babel et L'Étrange histoire de Benjamin Button. Avec rien ou presque, la réalisatrice touche à quelques reprises de belles émotions masquées, celles qui n'inondent pas l'écran mais qui l'absorbent comme on les aime au cinéma. Mais « à quelques reprises », seulement.
Car si Somewhere est loin d'être un film bancal ou manqué, il est sans doute aussi loin d'être celui transcendant qu'on attendait depuis sa statuette dorée. Ici, Coppola perle son film de bonnes réussites là où par exemple Virgin Suicides en abondait dans son atmosphère empreinte d'insouciance et de mal-être adolescent. Le cercle de non-retour introduit par le scénario se mord la queue, souvent, trop souvent, et perd son spectateur dans un non dit qui se creuse. En filmant l'ennui, Coppola n'ennuie pas mais frustre. Entre ces plans, pourtant magnifiques, du zoom avant du visage plâtré (oppressant) et celui arrière au bord de la piscine (aéré) il y a trop de respirations hasardeuses, peut-être pas assez d'étoffement à l'écriture, qui ont pour effet de discréditer l'émotion finale. Alors si la réalisatrice ne décoit pas pour autant tant elle parvient parfois à puiser l'essence de son film avec des tous petits riens touchants, elle semble ici nous tendre la main vers « quelque part » où l'on a malheureusement un peu de mal à la suivre. Dommage.


Réalisé par Sofia Coppola
Avec Stephen Dorff, Elle Fanning, Chris Pontius
Film américain | Durée : 1h38
Date de sortie en France : 05 Janvier 2010

13 avis gentiment partagé(s):

Chris a dit…

Ouais, bof, bof, pour ma part j'ai pas aimé du tout. En plus ça pue le fric que ça en devient dégoutant.

Jérémy a dit…

Pourquoi "pue le fric" ?

Squizzz a dit…

Je crois que je vais faire le tour des blogs pour défendre le dernier film de Sofia Coppola ! Et pourtant je suis assez souvent d'accord avec les critiques, et c'est notamment très vrai avec la tienne, mais mon ressenti final est aux antipodes (et le devient de plus en plus, à force de lire des avis négatifs qui me donnent envie de défendre encore plus le film).
"Somewhere" m'a conquis à partir du premier regard de Stephen Dorff observant Elle Fanning patinant. J'ai commencé à être attendri par la relation entre les deux personnages, et ce flottement ne m'a plus lâché avant la fin du film, me faisant oublier ses défauts, notamment ses longueurs. Après je ne pense pas qu'il faille recherche quelque chose de très profond dans le message véhiculer par Sofia Coppola. Elle filme le Hollywood qu'elle a connu enfant (différent de l'image qu'on s'en fait habituellement) et un acteur blasé, seul, qui s'ennuie dans une vie pourtant pleine de privilèges, et qui ne renaît que dans sa relation avec sa fille. Finalement, devant la simplicité du propos, je pense qu'elle a eu raison de ne le faire passer que de manière implicite en filmant un banal quotidien.
Mais bon, je ne pense pas que ma plaidoirie pour la défense de Sofia Coppola changera grand chose, vu que ta critique expose clairement tes attentes et déceptions face à ce "Somewhere", que tu ne descends finalement pas tant que ça par rapport à ta note, donc je ne t'en tiendrais pas rigueur ;)

Chris : je comprends pas non plus en quoi le film pue le fric ?

Cyril a dit…

Tiens j'ai bien aimé ce passage : "Dans des décors et des choix visuels simples à la limite même de la sobriété abusive, Coppola emmerde Hollywood et n'a pas de mal à faire comprendre au spectateur"
Clair, mais le problème c'est qu'elle n'a rien à dire.
Tiens j'ai ressenti la chose que le commentaire du dessus, ça pue le fric, dans le sens où le gros budget n'apporte rien. Ferrari et hôtels 5 étoiles, c'était pour retranscrire la vie du mec mais c'est tellement mal foutu qu'on croirait presque à film bourgeois.

Jérémy a dit…

Squizzz : Non, mais mon intérêt n'est pas de descendre le film non plus ;) . Moi aussi j'ai été "attendri" par certains passages - notamment la séquence de la patinoire. Seulement j'ai trouvé ça un peu faible, et - tu parles de longueurs - pour le coup je les ait bien ressentis à certains moments.

Par contre Cyril, je suis pas d'accord. D'abord 'Somewhere' n'est pas un film à 'gros budget'. Au contraire, Coppola a voulu des moyens amoindris pour ce film et a demandé à son frère producteur une simplicité extrême. Alors même si le film a profité d'une promotion assez importante - ça reste un film de Sofia Coppola - il n'est pas classable dans les grosses productions. D'ailleurs, il y a même aucune tête d'affiche.
Puis d'accord il y a un hôtel cinq étoiles et une ferrari, mais en même temps Coppola raconte la vie d'un acteur hollywoodien paumé... elle va pas le faire installer dans un motel piteux et le faire rouler en AX. Cet univers luxueux fait partie intégrante du récit, et c'est en ça que c'est un film qui va à l'encontre du "Hollywood dream" avec son protagoniste totalement lassé dans ce décor... ce qui est pour moi sans doute le meilleur point de 'Somewhere'. Alors de là à dire que c'est un film "bourgeois", je ne comprends pas car c'est pour moi totalement le contraire.

Gabriel a dit…

C'est exactement ça quand tu dis : "de belles émotions masquées, celles qui n'inondent pas l'écran mais qui l'absorbent comme on les aime au cinéma."

Je suis étonné par le "ça pue le fric" de l'ami Chris. J'ai trouvé le film d'une grande humilité au contraire.

C'est l'art de ne pas trop en faire : si il y avait eu un scénario plus romancé, une critique plus appuyée du monde hollywoodien, ça aurait tappé dans la démago.

Non, c'est simple, et c'est simplement simple. C'est beau, aussi. J'ai adoré.

Christophe a dit…

Complètement d'accord avec toi Chris... Bien déplaisant ce film... A part Elle Fanning -2011 devrait être une grande année pour elle (elle sera à l'affiche du prochain Coppola (je parle du vrai, pas de l'ersatz Sofia qui ne devrait pas quitter les pages des magazines de mode) et du prochain JJ Abrams)-, pas grand chose à retenir de ce film à l'ennui aussi mortel que la vie pathétique de Johnny Marco...

Wilyrah a dit…

Pour moi ce film n'a rien à dire. Sofia Coppola semble avoir déjà fait le tour après 4 films.
Il serait temps de se renouveler, d'arrêter de parler de soi et de ne pas renier les quelques qualités de cinéaste qu'elle a (et qui sont totalement absentes dans Somewhere).

Jérémy a dit…

Gabriel : "L'art de ne pas trop en faire"... je trouve que c'est justement le problème de ce film.
(Mais j'ai trouvé un avis contraire, c'est intéressant !)

Christophe : "Ennui" et "pathétique", j'irai pas jusque-là, mais je comprends.

Wilryah : Pareil, je serai un peu moins radical que toi, mais le fond est là.

Bob Morane a dit…

Un gros navet. Essayer de nous faire pleurer sur des riches qui s'emmerdent... et nous avec. Juste mauvais.

Jérémy a dit…

"Un gros navet"... hmmm, tu flingues trop à mon goût. Puis je ne pense pas que Sofia Coppola cherche à "nous faire pleurer".

Jérémy a dit…

C'est vrai qu'il y a des beaux plans, certains bien longs, et que la photo n'est pas faite à l'arrache. Le tout est vraiment très travaillé.
Mais sous cet angle, 'Somewhere' m'a donne l'impression d'un tableau parfaitement peint, très fidèle à la réalité... mais du coup sans tellement d'épaisseur derrière. Il y a de la maitrise, mais peu d'émotions j'ai trouvé. Ca fait un peu cinéma satisfait de lui-même, et je crois que c'est ce qui a dérangé plusieurs spectateurs.

Qux a dit…

Pour moi c'est son moins bon film, disons qu'elle commence un peu à se répéter sur le sujet des riches dépressifs, Lost In Translation était déjà très semblable en meilleur pour ma part.

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