19 janvier 2011

127 heures

Danny Boyle est sans doute le plus anglais et le plus éclectique des réalisateurs américains. Après s'être révélé avec sa comédie macabre Petits meurtres entre amis, avoir lancé le genre du junkie movie avec Trainspotting, s'être essayé avec plus ou moins de réussite au thriller halluciné avec La Plage, la science-fiction horrifique avec Sunshine, le films de zombies 28 jours plus tard... - on retient son souffle, allez – Slumdog millionnaire, sorte d'hommage bollywoodien engagé, avait signé sa consécration aux Oscars. Bref, le genre chez Danny Boyle c'est toujours inattendu et explosif. Autrement dit, il préfère clairement le pari des contraintes à l'application des schémas. Avec ce nouveau 127 heures, il ne choisit une nouvelle fois pas la simplicité. Adapté du roman d'un aventurier relatant son incroyable cauchemar au fond d'un canyon, le film s'attache à une idée simple mais redoutablement complexe : comment faire tenir en haleine le spectateur lorsque son héros reste bloqué immobile pendant une heure et demi ? L'audace rend évidemment curieux. Cependant, les amateurs de Boyle – et les autres – risquent sûrement d'être un peu déçus. Malgré son exercice de style d'écriture et de mise en scène, 127 heures peinera a marquer les esprits dans la durée tant il donne l'effet final d'être un prototype, ou un crash test.
A l'exposition, le réalisateur fait ce qu'il sait faire de mieux : montage dynamique en split-screen type clip de musique, road trip énergique aux images vertigineuses et lumineuses... Boyle séduit comme lui seul parvient à le faire. Puis vient la chute, et la fougue paradisiaque s'éteint. Fini le film d'aventure aux allures de comédie, le metteur en scène casse le rythme comme il aime tant, et projette son spectateur dans l'espace étroit de ce canyon de l'Enfer. Ainsi, 127 heures commencent... étonnent, parfois captivent, mais perdent de leur intérêt souvent. Si l'exercice est honorable, la pratique restera toujours dominante sur la théorie. Et en l'occurrence, le thriller huit-clos psychologique peine à prendre malgré un véritable personnage, joué merveilleusement bien par James Franco. 127 heures se laisse en fait apprécier mais donne le goût amer au fur et à mesure de sa démonstration qu'il est un film à idées, certaines très bonnes (le caméscope, le personnage, ses perditions délurées...) certaines beaucoup moins (les flashbacks, trop poussifs et moralisateurs malgré eux). Ainsi, on a un peu de mal à se sentir comprimés dans ce canyon, car trop souvent agacés du maniérisme que prend le récit. Mais heureusement, l'image reste très belle et le principe même intrigue, sans pour autant transcender.
En fin de compte, 127 heures n'aurait peut-être pas pu être un choc cinématographique - comme on peut l'attendre de Boyle - dans le principe même de cette histoire relatée. Par contre, il aurait pu être beaucoup plus mauvais et moralisateur à souhait, ici Boyle parvenant tout de même à garder un équilibre émotionnel pas inintéressant. On retiendra de ce film ses séquences de douce folie, son dénouement effroyable mais percutant et un peu d'âme de ce personnage seul qui retiendra finalement la même chose qu'un certain Christopher McCandless : « Happiness is only real when shared ». Et heureusement.


Réalisé par Danny Boyle
Avec James Franco, Amber Tamblyn, Kate Mara
Film américain, anglais | Durée : 1h34
Date de sortie en France : 23 Février 2011

12 avis gentiment partagé(s):

Squizzz a dit…

J'ai lu ta critique en diagonale pour ne pas trop en savoir sur le film, mais pour avoir ton avis général un peu quand même (c'est français ce que j'ai écrit ? tant pis). Deuxième avis mitigé sur le film, ça me fait peur, j'ai pas envie d'être déçu par Danny Boyle ! Mais bon, le genre du survival est assez casse-gueule et pour un "Buried" ou un "Eden Lake", y'a un sacré nombre de navets.

Wilyrah a dit…

Je vois que tu as aussi fait le rapprochement avec Into the wild.
Bref, un film maniéré et pas vraiment prenant. Décevant.

Chris a dit…

Je partage tout ce que tu dis sur le film. Je pense que le scénario ne convient absolument au style Boyle. Seul la scène où Franco prend deux rôles différents est intéressante.

Jérémy a dit…

Squizzz : Ne te laisse ppas influencer et part la tête vide ;) . Hâte de savoir ce que tu en auras pensé.

Wilyrah : On est (malheureusement) d'accord.

Chris : C'est vrai que le scénario dans son entreprise même, ne convient pas à Boyle... et peut-être même ne convient pas à une forme de long-métrage. Pour moi l'essentiel du problème se trouve là.

neil a dit…

Ben moi j'ai bien accroché en fait. Je trouve que la mise en scène est efficace et que Franco est effectivement très bon.

mymp a dit…

J'ai complètement accroché moi aussi, avec quelques réserves toute fois, mais quelle énergie, quelle envie de cinéma ! On peut être rebuté par l'aspect clippesque (dont ne je suis pas fan outre mesure), mais là je trouve que ça colle très bien à ce que veut dire Boyle (contrairement à Slumdog millionaire qui était raté), confrontant la nervosité de sa mise en scène à l'immobilisme d'Aron. Une grosse claque.

Jérémy a dit…

Neil et Mymp : Ah ouais ? 'Une grosse claque'? C'est assez étonnant ! Moi au contraire je suis assez client du style Boyle en général mais là '127 heures' m'a donné la même sensation que 'La Plage' : une forme intéressante mais un récit qui peine à suivre... Mais justement, je n'ai peut-être pas saisi "ce que veut dire Boyle" au contraire de 'Trainspotting' et surtout 'Sunshine', que j'avais trouvé superbe... et sensé.

Squizzz a dit…

Ca y est : vu ! C'est bizarre car je suis carrément d'accord avec ta critique, sauf qu'au final le film m'a laissé une impression plus positive que la tienne. Je pense que ça tient beaucoup au dernier quart d'heure qui m'a vraiment pris aux tripes (l'amputation et la marche à la recherche des secours) pour arriver à gommer certains passages ennuyeux ou loupés (les flashbacks surtout). Même si le film n'est pas parfait, Boyle s'en tire avec les honneurs de ce pari sacrément risqué.

2flicsamiami a dit…

Une grosse claque comme Mymp. J'ai trouvé que la mise en scène collait parfaitement à l'histoire, et j'ai été happé par l'intrigue. Un film puissant, à l'instar de Sunshine.

Jérémy a dit…

Squizzz : La pari est risqué, c'est certains. Au final, je suis moyennement satisfait...

2flicsamiami : L'intrigue de 'Sunshine' m'a beaucoup plus accroché. Entre sauver le monde en faisant péter notre soleil à coup de nucléaire et suivre 127 heures d'un mec bloqué par un caillou... mon choix est vite fait ! ;)

Fri a dit…

Pour ma part, j'ai vécu une bonne expérience cinématographique. J'étais très sceptique au début, mais finalement je me suis laissé embarquer dans l'histoire, et le jeu de James Franco n'y est pas pour rien. Les décors sont magnifiques, et même si certains passages comme les flashbacks sont évidemment là pour donner une durée correcte au film, ils ne m'ont pas dérangé plus que ça.
Ce n'est pas un film parfait, mais avec ce sujet casse-gueule, comme tu le dis toi-même ça aurait pu être bien pire!

inthecrazyhead a dit…

Loin d'être parfait à cause d'un personnage pour lequel on a parfois du mal à ressentir de la sympathie et une réalisation clippesque qui est complètement foireuse vers la fin, 127 heures est quand même une bonne réussite et une expérience à vivre au cinéma parce que oui, je considère ce film comme une expérience car je pense que voir quelqu'un passer plus de cinq minutes à "couper" son bras et que rien ne nous est épargner lors de ce passage est une expérience assez inhabituelle et fort réussie ^^

Pour un film casse-gueule, il s'en sort quand même avec brio le petit D.Boyle, ce qu'il fait depuis toujours : sujets casse-gueule, réussite à tous les coups (du moins, pour moi qui suis fan de son cinéma!)

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