29 juin 2011

Dog Pound

Davis, 16 ans, deale des stupéfiants pour rentrer dans le moule. Angel, 15 ans, fait corps avec la dure loi de la banlieue et se fait arrêter pour vol de voitures. Butch, impulsif, bestial quand on le cherche, agresse un officier. Jeunes, différents mais violents, ils sont internés dans la prison pour délinquants juvéniles d'Enola Vale, aux Etats-Unis. La guerre commence et deux choix s'imposent : souffrir en victime ou martyriser en caïd.
C'est le deuxième long-métrage du réalisateur français Kim Chapiron. Après avoir remué et partagé la critique avec Sheitan, un film de genre mélangeant violence, sexe et humour dans un cocktail jouissif et déconcertant, Chapiron aborde cette fois le grand continent. Dog Pound – « la fourrière » en français – n'en demeure pas moins subversif : prenant place dans un centre pénitencier pour adolescents, le réalisateur signe un film froid, dur, implacable.
Chapiron cherche le plus grand réalisme possible : entouré d'acteurs non professionnels, la force des personnages n'en ressort que plus forte et acerbe (le caïd du centre est un vrai prisonnier, l'acteur principal a séjourné deux fois en prison pendant le tournage...). Rappelant le Punishment Park de Watkins ou Hunger de McQueen dans son naturalisme aigu, Dog Pound s'impose comme une chronique qui frôle le documentaire dans sa volonté de démonstration. La mise en scène de Chapiron se veut le plus proche possible de ses trois protagonistes. Souvent en multicam, cadrages serrés et caméra épaule lorsque la tension s'accentue, le réalisateur cherche une vérité de ton qui s'avère terriblement efficace. Le spectateur s'attache autant à ces graines de criminels, qu'aux gardes subtilement humanisés (la séquence du meurtre est d'une rare intensité). Dog Pound interroge, pose les jalons d'une société aseptisée, sévérisée, tout en restant un vrai huit-clos psychologique et pulsionnel. Si le scénario révèle aux moments clés quelques faiblesses – la chorale de narration peine globalement à trouver la bonne harmonie – reste que le film de Chapiron, cruellement simple, n'a que peu à prouver pour convaincre. Enchainant les séquences allumées avec des parenthèses clipesques étonnantes (la musique acoustique douce qui revient avant chaque crise), le réalisateur parvient à capter tant la violence que la perdition de ces jeunes en dérive.
Virulent, le film de Chapiron bouillonne d'intelligence en évitant toute sensibilisation prolixe pour un sujet dangereux en raison des nombreux clichés qu'il figure. Au contraire, Dog Pound s'impose comme un vrai métrage de témoignage, pertinent et d'ores et déjà au panthéon des films de chiens enragés.


Réalisé par Kim Chapiron
Avec Adam Butcher, Shane Kippel, Mateo Morales
Film américain | Durée : 1h31
Date de sortie en France : 23 Juin 2010

7 avis gentiment partagé(s):

Wilyrah a dit…

Vu le mois dernier, je suis en total accord avec ta fiche. Quel film !

Squizzz a dit…

Je l'ai vu au ciné, et si je l'ai trouvé pas mal, notamment dans son côté réaliste, je ne serais pas aussi dithyrambique que toi. Mais il est indéniable que Kim Chapiron a fait des progrès depuis le détestable "Sheitan" (ou quand on réunit tous les clichés du film de genre dans un grand n'importe quoi qui ne veut rien dire)

Ben a dit…

J'ai bien aimé aussi ! Mieux que Sheitan un peu décevant, mais le cinéma des Kour-trajme reste tout le temps séduisant.

Christophe a dit…

Influencé par le film d’Alan Clarke, Scum (1979), Dog Pound prétend s’interroger sur le rôle des parents et de l'autorité, et dénoncer l’inhumanité régnant dans ces établissements pénitenciers pour mineurs qui préfère à l’éducation et à la réinsertion une répression brutale. En réalité, il accumule surtout les clichés propres au genre (humiliations, brimades, violences, trafics, loi du silence…), ce qui le rend très prévisible. On se doute bien, par exemple, que la rage péniblement contenue de Butch finira par se déchaîner et qu’un incident rendra vain ses espoirs de libération.

Certes, Kim Chapiron, le réalisateur, cofondateur avec Romain Gavras du collectif Kourtrajmé, a beaucoup insisté au moment de la promotion de son film sur sa démarche documentaire et sur le fait qu’il a recouru, pour bon nombre de rôles, à des adolescents délinquants ayant déjà vécu l'emprisonnement. Mais il n’a finalement rien à nous dire sur l’univers carcéral et sur ses effets sur les adolescents, tant le message qu’il nous délivre est convenu : ainsi, les trois petits voyous dont Chapiron nous décrit le parcours sont avant tout des victimes de la société et cachent derrière une misogynie insupportable et une violence souvent gratuite leur fragilité. Une thèse si simpliste que seul le plus candide des spectateurs sera disposé à prendre pour argent comptant.

Bref, un film sans vision d’auteur, même s’il ne manque pas, parfois, d’une certaine efficacité. Mais une efficacité malsaine, car engluée dans la démagogie. C'est pour cela que je ne serais pas étonné que Dog pound devienne un jour une oeuvre culte. Pour de mauvaises raisons, comme La haine, de Kassovitz.

Chris a dit…

Il faudrait que je me paye le DVD, je l'avais bizarrement raté en salle.

Jérémy a dit…

Wilyrah : Un film choc, oui !

Squizzz : J'ai plus d'estime pour 'Sheitan' que toi ^^ .
En tout cas ce 'Dog Pound' m'a scotché de par son réalisme, comme tu le dis.

Ben : Séduisant oui, un peu difficile en même temps. C'est tout l'intérêt de ce type de cinéma je trouve.

Christophe : Bon, je ne suis évidemment pas très d'accord. De la même façon que 'La Haine, 'Dog Pound' ne joue pas la carte de la complaisance. La violence ne doit pas devenir un prétexte de vente mais une matière à penser et à mettre en scène. Et les deux films sont pour moi deux grandes réussites dans le domaine...

Chris : Jette toi dessus !

Gagor a dit…

Dog Pound arrive en premier dans mon TOP 2010 International!

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