14 décembre 2010

Les Émotifs anonymes

Après s'être illustré essentiellement dans un registre dramatique - l'adolescence dans Mauvaises fréquentations, l'Histoire de l'occupation dans Le Bateau de mariage ou le combat pour la vie dans Poids léger et C'est la vie (déjà teintés de touches comiques) – Jean-Pierre Améris revient sur la toile en présentant une comédie. La première de ce cinéaste discret mais expérimenté. A l'affiche, le duo d'Entre ses mains, Isabelle Carré et Benoît Poelvoorde. La première est la nouvelle commerciale d'une chocolaterie, en fait véritable orfèvre dans la fabrication de chocolat, le second son patron qui vient de l'embaucher. C'est alors qu'un problème terrible va rapidement survenir : ces deux grands émotifs tombent amoureux l'un de l'autre. Autant dire le début d'un cauchemar... drôle et touchant !
Car Les Émotifs anonymes est bien une vraie comédie, plutôt surprenante d'ailleurs. Dans une photographie chaude, c'est un univers rétro marqué années 50 – 60 qui s'installe. Rapidement, le réalisme n'est pas de guise : à l'instar d'un décor enjolivé, les personnages aussi semblent venir d'ailleurs, tous sensibles et archétypes à la fois de la bande de la chocolaterie aux personnages secondaires des réunions. Améris joue clairement la carte de l'idéalisation donnant à son film un effet carte postale qui n'est pas sans rappeler l'univers édulcoré d'Amélie Poulain. Amélie c'est d'ailleurs un peu cette Isabelle Carré, en plus mature et, surtout, émotive. Poelvoorde, quant à lui, est dans un registre dans lequel on aime le voir : au combien sensible lui aussi, il parvient à donner à son personnage un air touchant tout en jouant la carte de la comédie. Le scénario offre aux deux acteurs de belles scènes de performance, mais c'est surtout lorsqu'il s'adapte au burlesque qu'il est le plus efficace. En forçant le trait sur le comique de situation, la séquence du restaurant parvient par exemple à rester drôle sans devenir risible. Et c'est dans cet univers déconnecté, parfois burlesque, qu'Améris ose même la chanson. Première vraie déclaration du couple, cette scène efface tout l'environnement au profit de ces protagonistes qui se rapprochent enfin. Pari réussi tant Poelvoorde joue la justesse.
Plutôt nouveau mine de rien, surtout osé, Les Émotifs anonymes propose une inspiration différente sans pour autant donner dans l'immédiat un bol d'air frais révolutionnaire dans le paysages très contrasté de la comédie française. Certains spectateurs risquent de rester à côté, tant la forme irréelle est à accepter, et du fait que le récit s'échelonne dans un cercle rébarbatif. Sa simplicité amène parfois quelques longueurs lorsque le manque d'évolution des personnages se fait sentir. Mais plutôt court, le film a au moins ce mérite de ne pas insister sur un superflue malvenu en ne perdant jamais ses protagonistes et leur histoire de vue. Sans cesse tendu sur le fil fragile de ses personnages, Les Émotifs anonymes s'en sort bien, se révélant finalement comme un divertissement sensible et agréable. Ou comme un bon chocolat.


Réalisé par Jean-Pierre Améris
Avec Isabelle Carré, Benoît Poelvoorde, Lorella Cravotta
Film français, belge | Durée : 1h20
Date de sortie en France : 22 Décembre 2010

9 avis gentiment partagé(s):

Squizzz a dit…

La bande annonce m'a déjà bien tenté, et ta critique me renforce dans mon idée. Sans doute mon film de mercredi prochain...

Jérémy a dit…

Curieux de lire ton avis prochainement si tu vas le voir ;) .

Squizzz a dit…

Le film m'a beaucoup fait penser à la chanson de Renan Luce "Aux timides anonymes" qui traite du même thème, même si c'est d'une manière plus générale, pas via une histoire d'amour. Améris et Renan Luce décrivent et dissèquent la timidité, l'hyperémotivité avec beaucoup de vérité et de poésie. La force du film est de réussir à ne pas faire des deux personnages principaux des caricatures alors qu'ils sont presque surréalistes (une hyperémotivité à ce point est rare). Cela est sans doute du au fait que l'ensemble du film est teinté de surréalisme. Comme tu le dis, "le réalisme n'est pas de guise". C'est un choix plutôt judicieux de la part d'Améris, il nous transporte dans un autre monde, celui des timides, qui vivent comme dans une bulle idéalisée qu'ils ont du mal à quitter pour se confronter au monde.
Je suis d'accord avec toi aussi, concernant le côté un peu rébarbatif et le manque d'évolution dans l'histoire, et Améris a bien fait de s'arrêter au bout d'1h20 car la lassitude commençait à me gagner, même si je n'avais pas envie de quitter ce couple touchant (superbement interprété par Poelvoorde et Carré, avec un petit faible pour cette dernière...)
Une jolie comédie tendre et touchante c'est toujours sympa au moment des fêtes !

Un émotif anonyme (enfin très léger comparé à Angélique et Jean-Patrick, euh... Jean-René)

Jérémy a dit…

D'accord avec toi ;) .

ARMELLE a dit…

Comme toi, j'ai apprécié cette comédie fort bien interprétée par un duo efficace.

Maria Julia a dit…

La bande-annonce m'a complètement séduite. Ça a l'air frais & tout mignon. J'essayerai sûrement d'aller le voir (surtout pour la performance de Poelvoorde).

Jérémy a dit…

Armelle : Efficace est le mot, oui.

Maria Julia : Je te le conseille en tout cas. Là-dessus, la bande-annonce n'est pas mensongère.

Bob Morane a dit…

Je partage ton avis. Heureusement que ce fut court en durée, sinon, ça aurait gaché le plaisir du film. Trois scènes sont trop longues, et il manque d'un peu d'étoffe dans le scénario. Drole et émouvant. J'ai bien aimé.

Jérémy a dit…

C'est vrai que plus long, le film aurait perdu de son charme en tuant un peu le rythme. Améris disait à l'avant-première qu'il avait pas mal coupé au montage, notamment des scènes de réunions avec les personnages secondaires. Je pense qu'il a bien fait. Mais sinon oui, "drôle et émouvant" sont certainement les deux plus grands atouts du film, je suis d'accord.

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