Le cinéma d'épouvante espagnol n'a pas fini de faire parler de lui. En tout cas, ce n'est certainement pas Guillermo Del Toro qui le lui empêcherait. Déjà producteur (et réalisateur) du merveilleux Labyrinthe de Pan, et du très bon Orphelinat, sa collaboration à ce nouveau projet lui donne certainement la possibilité d'exister dans les meilleures conditions. Ici il donne la caméra à Guillem Morales, réalisateur précoce heureux du succès de son premier court puis long (El Habitante incierto, introuvable) qui lui a même valu un remake. Et autant dire les moyens de voire plus large. D'abord envisagé pour un film américain, le scénario co-écrit par Morales se voit finalement produit localement, financé par Universal Pictures. La première collaboration du studio pour un film espagnol : sans doute déjà gage de sa qualité et rentabilité.
Pourtant l'histoire a de quoi inquiéter tant elle parait sur-inspirée : Julia apprend le suicide de sa sœur jumelle, atteinte elle aussi d'une maladie créant lentement et de façon imprévisible la cécité. Mais elle est persuadée que cette dernière ne s'est pas suicidée, mais qu'elle était épiée, suivie, et finalement tuée. Plusieurs éléments font d'ailleurs planer de plus en plus le doute... L'exposition - sorte d'incident déclencheur flashback type série policière - donne le ton. Photographie froide et sombre, jeu sur le hors-champ, prédominance du son, évidemment la cécité au cinéma ça nourrit l'inspiration. La bonne nouvelle est que Morales l'a bien compris, et le prouve à travers une mise en scène plutôt judicieuse, du moins techniquement irréprochable. A l'inverse d'une tendance moderne de renverser la forme du cinéma d'horreur par l'approche d'un cinéma-vérité, Les Yeux de Julia préfère tendre des ficelles - certes un peu usées - mais de façon très efficace. Résultat : les séquences de perdition entre vues subjectives et plongées obscures sont redoutables. Le film aurait pu l'être dans sa totalité, si ce n'est que le scénario tombe cependant quelques fois dans le classique cliché. D'abord dans la narration : beaucoup de séquences dialoguées viennent alourdir un rythme qui peine à devenir hétérogène de façon juste. Les conséquences s'y retrouvent dans quelques longueurs notamment avec le couple protagoniste. Puis il y a peut-être certaines facilités à l'image du personnage du vieux mystérieux inutile ou lors du déclenchement de l'angoisse (mais bon sang, arrêtez de la laisser toute seule !).
Cependant, Les Yeux de Julia ne peut s'empêcher d'être charmant dans ses idées étonnantes et réussies : en masquant le visage des autres personnages par jeu de dévoilement proche du Sixième Sens, en réunissant présent, passé, réalité et fantasme dans de très beaux mouvements de caméra ou en basant une scène de suspens sur les flashs répétitifs d'un appareil photo (le cinéma n'est pas loin...), Morales parvient à surprendre malgré les archétypes qui jaunissent un peu l'ensemble. A l'instar de son climax - obligeant Julia a faire croire qu'elle est aveugle à son bourreau - le film s'avère réussi, moins éprouvant que ses prédécesseurs, mais en bon présage pour les suivants.
Réalisé par Guillem Morales
Avec Belén Rueda, Lluis Homar, Julia Gutiérrez Caba
Film espagnol | Durée : 1h56
Date de sortie en France : 22 Décembre 2010
29 décembre 2010
Les Yeux de Julia
14:06
Jérémy
3 avis gentiment partagé(s):
Un film que j'aurais voulu voir, mais pas de copie à Dijon...
Oui le nombre de copies est assez restreint, la faute à une production moins importante que pour Los Otros, Le Labyrinthe de Pan ou L'Orphelinat qui étaient sortis un peu partout. Dommage, car je pense que ce film a sa place entre ces derniers.
Il n'est resté qu'une semaine à Lyon, et vu que je suis parti pour les fêtes, j'ai plus qu'à faire une croix dessus aussi. Dommage.
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