5 décembre 2010

A bout portant

Après le remarqué Pour Elle en 2008, Fred Cavayé signe son deuxième film dans une volonté d'allonger sur tout un récit un suspens de thriller, que le jeune réalisateur avait particulièrement apprécié de mettre en scène pour la partie finale de son précèdent métrage. Bande-annonce sèche, Gilles Lellouche grave, A bout portant ne donnait pas l'impression de révolutionner le genre plutôt en vogue en France - avec quelques réussites notables, par exemple Espion(s) de Nicolas Saada - mais attisait la curiosité du spectateur avide de sentiments et sensations fortes.
Le scénario suit une lignée très hitchcockienne : tout va bien pour Samuel, bientôt infirmier, et Nadia bientôt maman, jusqu'au jour où la jeune femme est enlevée. Assomé et allongé sur le sol de son appartement, le goût du sang au bord des lèvres, Samuel n'a pas le choix. S'il veut avoir une chance se retrouver sa femme vivante, il doit faire sortir un patient sous surveillance policière de son hôpital selon les indications de cette voix au téléphone. C'est ainsi que la course contre la montre commence. Mais avant, Fred Cavayé donne la priorité à ses personnages, particulièrement le jeune couple qu'il "humanise" au possible. Le choix de Gilles Lellouche n'est pas anodin : il est parfait en monsieur tout le monde embarqué dans un tourbillon qu'il ne comprend pas et dont il est victime. Peut-être trop longuement connoté second rôle, Cavayé lui offre (enfin ?) un premier rôle qu'il porte parfaitement. Cette volonté de faire attacher son spectateur à ce protagoniste idéal joue déjà sur un suspens plutôt bien maitrisé. Lorsqu'enfin la problématique de l'exposition (l'accident du fugitif) percute la vie du couple, l'élément perturbateur bouleverse le ton et accélère le rythme. Optant de façon classique pour une mise en scène sur le vif, caméra à l'épaule, Cavayé n'innove pas mais joue la carte de l'efficacité, suivant un scénario rôdé, aux crises qui ont l'avantage d'être surprenantes. Coup de feu en plein centre ville, course poursuite hollywoodienne dans le métro de Paris, A bout portant ose à bon escient l'adrénaline jusqu'à la meilleure séquence du film, où lorsqu'un flic tue un de ses collègues l'intrigue trouve son réel sens et dévoile l'étendue de sa complexité. Les flics ripoux ne sont pas non plus une révolution dans le genre, mais ça a toujours son petit effet. Dans A bout portant aussi, malgré le fait que l'on frise tout de même la caricature. Gérard Lanvin, l'enfoiré flic par excellence, contraste négativement avec un jeu plus nuancé de Roschdy Zem, même si la face terne et fermé de l'acteur permet à Cavayé de jolis plans regard percutants. Le climax, quant à lui, est malheureusement raté malgré son montage alterné dynamique : la résolution arrive trop vite, un peu simplement, dans un bordel un peu trop exagéré. Le réalisateur parvient tout de même à balancer toute la puissance émotive du film en quelques secondes, lorsqu'enfin réunis, Lellouche supplie de prendre soin de sa femme enceinte. Cadrage serré, belle performance d'acteur, le final a au moins cet avantage de crédibiliser humainement le film, à un moment où il perd de son efficacité. Car, finalement, on ressort d'A bout portant un peu épuisé, la sueur au front, comme le protagoniste auquel on s'est identifié. Loin d'être révolutionnaire, mais néanmoins pas mal.


Réalisé par Fred Cavayé
Avec Gilles Lellouche, Roschdy Zem, Gérard Lanvin
Film français | Durée : 1h25
Date de sortie en France : 01 Décembre 2010

8 avis gentiment partagé(s):

Wilyrah a dit…

J'espère pouvoir le voir prochainement. J'avais beaucoup apprécié POUR ELLE.

Jérémy a dit…

Je ne l'ai pas vu. En tout cas, 'A bout portant' m'a donné envie de le découvrir ;) .

Cyril a dit…

N'étant pas adorateur du cinéma français, surtout déçu par quelques bouses de l'été, je ne suis pas vraiment tenté de le voir. Enfin si j'ai l'occasion je le materai, c'est surtout ces passages qui me donnent envie de vivre l'expérience :" finalement, on ressort d'A bout portant un peu épuisé, la sueur au front, comme le protagoniste auquel on s'est identifié".
a+

Jérémy a dit…

Je suis pas non plus un "adorateur" du cinéma français, mais personnellement ça me bloque pas à découvrir des films qui m'ont l'air intéressants.
Dans le thriller et dans le genre, il y a vraiment de très bonnes choses (voire la critique récente sur 'A l'intérieur' par exemple). Mais j'ai souvent l'impression que lorsqu'on parle à mal du "cinéma français", on le résume à ses comédies, certes nombreuses (je ne sais pas ce que tu qualifies dans les "bouses de l'été" ?), mais heureusement pas seules représentantes. Pour moi les pires bourdes français sont des comédies. Il y en a des bonnes certes. Mais je trouve qu'il y a plus de réussite - étrangement - dans un cinéma plus extrémiste.

Chris a dit…

Assez d'accord avec toi. Cavayé a vraiment du style, mais A bout portant est gaché à mon sens par trop d'invraisemblances...

Jérémy a dit…

C'est vrai que la crédibilité peine à s'imposer, surtout vers la fin dans le commissariat, où y'a quand même un sacré bordel... Réaliste ? A ce point, pas vraiment je pense.

Cyril a dit…

Ouais c'est vrai que l'on pense direct aux films comédies avec Kad Merad...
En bouses de l'été j'entends 600 kilos d'or pur, un film d'aventure voulant relancer le genre à la française, mais c'est finalement un désastre. Plein d'invraisemblances et franchement exécrable. Y avait pourtant du potentiel... Sinon je précises que je n'ai rien contre le cinéma français hein ^^

Jérémy a dit…

Oui, je vois ce que c'est ;) .
Je pense qu'en France, le cinéma est de façon générale très contrasté, avec pas mal de films sans aucun intérêt ou raté dans les intentions. Mais après c'est la dure loi de la logique : il faut des mauvais films pour qu'il y ait des bons ! Et heureusement, ca arrive aussi chez nous.

Enregistrer un commentaire

Twitter Delicious Facebook Digg Stumbleupon Favorites More

 
PBTemplates pour le design | Merci de me contacter avant toute utilisation du contenu de ce blog