2 octobre 2010

Des hommes et des dieux

Le Maghreb, une montagne, un monastère et huit moines chrétiens français plongés dans la tourmente de cette fin de XXème siècle. En paix avec leurs frères musulmans, certains de leur foi, leurs croyances vont pourtant bientôt se heurter à une réalité d'abord innommable puis prenant les traits d'un groupe islamiste bien prêts à forcer le règne. Que faire ? L'armée propose aux moines une protection rapprochée. Doivent-ils l'accepter ? Doivent-ils partir de cette terre désormais sans paix, mais en laissant leurs frères seuls ?
Auréolé d'un grand prix à Cannes, Palme d'or méritée pour certains, Des hommes et des dieux n'en est pas moins un film d'une puissance éblouissante, aux ingrédients typiques d'un long métrage brillant. Cadres larges contemplatifs, photographie assombrie quasi douce à la vue, la sérénité de ces moines est presque palpable à l'image. Rapidement, le film va au-delà de la simple situation qu'il installe. Très clairement, Beauvois souhaite illustrer à travers ces protagonistes de l'Église, les hommes de foi que l'on tend tous à être. C'est lorsque la violence et l'injustice arrivent que ces moines témoignent de ce qu'il peut y avoir de plus beau dans l'homme : la volonté de croire, la bienveillance de son prochain, et l'espoir d'un monde meilleur coûte que coûte, même s'il en dépendra sa propre vie. Des hommes et des dieux a la force des plus grands films de guerre. Même si les armes - au même titre que dans le monastère - sont interdites ici, les concepts que l'émotion fait exploser sont les mêmes. La séquence autour de la table au moment de prendre la décision de partir ou pas, a une tension telle qu'il se jouerait presque l'avenir d'un conflit mondial... Il y a aussi ces scènes isolées d'un moine racontant son premier coup de foudre, les échanges avec les habitants, et cette séquence du repas, climax subliminal du film, qui illumine dans son montage regard faisant valser le cœur du spectateur d'une émotion à une autre, de la conviction à l'acceptation de cette dernière... et finalement de la vie à la mort.
Criant de vérité, le film de Beauvois est un miroir brisé dont le reflet fait aussi peur qu'il est bien réel. Dans une pudeur bienvenue, les moines pris au piège de croire en la paix disparaissent dans la profondeur de champ, mais la pellicule, elle, reste intacte.
Il y a alors cette métaphore d'une villageoise qui résonne encore aux oreilles accompagnant les chants en chœur, qui compare les moines à la branche d'un arbre qui soutiennent les oiseaux, les villageois. Des hommes et des dieux raconte l'histoire vraie d'une branche qui s'est définitivement cassée, comme il s'en casse toujours... mais c'est l'arbre que l'on voit à travers ce film, toujours imbattu et fortifier par de tels témoignages d'espoir. Tout simplement un grand film.


Réalisé par Xavier Beauvois
Avec Lambert Wilson, Michael Lonsdale, Olivier Rabourdin
Film français | Durée : 2h00
Date de sortie en France : 08 Septembre 2010

8 avis gentiment partagé(s):

Oriane a dit…

Bien résumé. Un grand film. Notre palme d'or.

Jérémy a dit…

On peut dire ça, oui :) .

Squizzz a dit…

C'est sûr que "Des hommes et des dieux" aurait sans doute plus mérité la Palme qu'"Oncle Boonmee", enfin d'après moi, même s'il ne m'a pas autant marqué que le précédent Grand Prix français. Un très beau film qui délivre un message de paix, et de quête spirituelle, avec au passage une représentation très intéressante de la vie monastique, sujet rarement abordé. La force du film est de représenter les moines comme des vrais hommes empreints au doute, et pas comme de simples religieux qui ne vivraient que pour et par Dieu.

Chris a dit…

Absolument d'accord avec toi.

Christophe a dit…

La critique de mon blog :

En dépit des nombreuses scènes nous décrivant le quotidien des moines, Des hommes et des dieux n’est pas un film sur la foi et la religion. Ou du moins, pas seulement. Il est encore moins un film-enquête, dont l’objet serait d’identifier les assassins des moines de Tibhirine. Certes, Xavier Beauvois n’élude aucune hypothèse concernant leur identité (groupe islamiste, armée algérienne), cependant cet aspect ne constitue pas le cœur de son récit. Cette oeuvre est avant tout l’évocation du parcours d’un petit groupe d’hommes qui ont trouvé dans l’échange avec l’autre, la fraternité, le don de soi, un sens à leur existence. Un idéal de vie simple, tourné vers l’essentiel, c’est-à-dire l’humain, qui peut séduire même le non-croyant, surtout à une époque où les relations qui unissent les individus semblent essentiellement être d’ordre commercial.

Des hommes et des dieux touche également par les portraits profondément humains que Xavier Beauvois nous livre des membres de cette communauté. Le cinéaste ne nous les décrit en effet pas tels des héros infaillibles n’aspirant qu’au martyr, mais bien comme des êtres de chair ayant un passé -frère Luc avoue ainsi à la jeune fille qui l’interroge sur l’amour avoir aimé une femme dans sa jeunesse- et étant animés par le doute et l’angoisse. A cet égard, le personnage de frère Christophe (Olivier Rabourdin), dont la foi est un temps ébranlée par son incompréhension, sa peur, est sans doute le plus émouvant.

Pour dépeindre ces existences, le réalisateur recourt à une mise scène épurée, composant notamment son film à la manière d’un peintre de la Renaissance. C’est le cas, par exemple, de ce plan où un combattant islamiste blessé au flanc apparaît dans une posture qui évoque un tableau de Mantegna représentant le Christ mort (Lamentation sur le Christ mort).

Il y a aussi cette séquence bouleversante (et déjà mythique) du dernier dîner bercé par le Lac des cygnes, de Tchaïkovski, où Xavier Beauvois, s’attardant sur les visages de ses comédiens, nous montre cette communauté réunie dans une même crainte mêlée d’espérance et de joie. Enfin, il y a cette lente montée finale dans la neige, où les sept moines enlevés avancent en se soutenant mutuellement, pour rejoindre le lieu de leur supplice. Et si leurs fragiles silhouettes se fondent peu à peu dans le brouillard, jusqu’à disparaître, leur souvenir devrait longtemps marquer la mémoire des spectateurs. Tout comme les quelques lignes du testament de frère Christian, lues à la fin du film.

Un dernier mot, sur le casting, si exceptionnel de justesse qu'on en oublie les acteurs derrière les personnages. Et l'on se prend à rêver d'un prix d'interprétation collectif à la prochaine cérémonie des Césars. Après tout, il y a des précédents (voir le film Indigènes) !

Jérémy a dit…

Tout à fait d'accord avec vous tous (puisque que vous êtes tous d'accord avec moi !).
Jolie critique Christophe :) .

dasola a dit…

Bonjour Jérémy, très beau film humain où le religieux est présent mais pas trop. C'est un film profane où les moines sont des hommes avant avec leur doute et leur défaut. C'est le genre de film qui fait réfléchir sans donner de leçons. Bonne après-midi.

Jérémy a dit…

C'est vrai, c'est un film humain avant d'être religieux. Ces moines sont avant tout des hommes, avec leurs forces et leurs faiblesses - comme tu le dis - mais surtout au final avec cet espoir de croire encore en la paix là où la guerre l'efface petit à petit.

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