

On ne ressort pas indemne de 38 témoins : le film est une véritable réussite dans la considération de son spectateur, trente-neuvième témoin malgré lui, qui se retrouve alors face à ce sombre théâtre à la catharsis redoutable : qu'aurais-je fait en pareille situation ? Suis-je moi même un lâche ?
Le film de Belvaux offre un regard plein de justesse et de nuances sur nos sociétés modernes. Individualiste jusqu'à la faute morale, comment en arrive-t-on à se mentir à soi-même ? Inspiré du Falkenau de Samuell Fuller, ici le génocide juif se minimalise dans cette intrigue criminelle : apeurés d'être impliqués et dans un soucis d'auto-protection nombriliste, 38 témoins questionne admirablement les citoyens que nous sommes tous.
La grande prouesse de Belvaux est ici de ne pas se plier à la figure du protagoniste vertueux. Pierre, formidablement joué par Yvan Attal, n'est pas un héros, seulement le plus courageux des lâches : J'ai avoué car la peur des représailles m'aurait hanté à vie. Ou autrement dit, je fait ça seulement pour moi, ni pour les autres ni pour la victime. Il n'est jamais question de rédemption, seulement de culpabilité. Dans ce Havre grisé, au ralentit dans son port bruyant, 38 témoins évacue de fait toute l'enquête policière. C'est l'humain le vrai cœur du film, le plus sombre et plus masqué derrière son identité civilisée.
Dommage que la théâtralité parfois abusive des dialogues, ou le mélodrame convenu de la relation amoureuse déséquilibre l'ensemble. Car tout le reste de ce film miroir bourdonne encore dans la tête, à l'image de cette sublime et effroyable séquence de reconstitution ; preuve solide de la maturité du cinéma de Belvaux qui, en montrant le pouvoir de la fiction à révéler la vérité, n'a pas finit de comprendre le cinéma et d'en exploiter ses richesses les plus secrètes.

Réalisé par Lucas Belvaux
Avec Yvan Attal, Sophie Quinton, Nicole Garcia
Film français | Durée : 1h44
Date de sortie en France : 14 Mars 2012