Premier film de David Slade (qui enchainera avec le bon 30 jours de nuit), Hard Candy avait surpris au Festival du Film de Sitges en 2005 puis à Deauville pour parvenir à se faire distribuer par Metropolitan : une aubaine pour ce film américain indépendant au budget minime, sans tête d'affiche et tourné seulement en 18 jours.
Le contexte est simple : une jeune adolescente aguicheuse rencontre l'homme avec lequel elle chat sur le net, va chez lui... pour le séquestrer. Brian Nelson signe un scénario huit-clos absolument renversant. Bavard, il brille cependant dans son approche impersonnelle des personnages. Dans sa direction d'acteur, Slade permet à cette virtuosité scénaristique de crever l'écran. Hard Candy devient alors le thriller perturbant que l'on attend : le film met à rude épreuve son spectateur dans le fait de l'inciter de manière purement subjective à être du côté de tel ou tel personnage à tel ou tel moment de l'histoire. Si l'adolescente nous apparait d'abord comme odieuse, la continuité narrative nous oblige à nous demander au bout d'un moment pourquoi nous nous obstinons à défendre un pédophile. En effet, loin des stéréotypes du monstre, Jeff est un homme d'abord attachant et qui nous semble de façon percutante humain jusqu'à la fin. Nous nous sentons obligés de compatir à la souffrance qu'il endure si bien que les différentes fuites que nous propose le récit (Jeff va t-il pouvoir se libérer ?) devient un véritable suspens pour le spectateur qui n'attend - et c'est brillant de sarcasme - que ça.
David Slade renforce le côté oppressant par un cadrage serré (magnifique séquence dans le café au début) et un montage cut aux limites du clip (c'est blindé de faux raccords en tout genre). Ce cadrage permet à la fois de renforcer l'importance psychologique de son film mais aussi de mieux occuper le peu d'espace qui lui est à disposition par les faibles profondeurs de champ dues aux longues focales utilisées. Slade ne s'interdit pas non plus d'expérimenter, notamment avec des travellings circulaires effectuées à deux caméra - l'effet lors de la scène de l'opération est assez particulier - ou des jeux de lumière et donc de couleur (variation dans un même plan pour illustrer l'état d'esprit d'un personnage). Entre chaud et froid selon la trame narrative, la photographie est magnifique et donne réellement l'ambiance du film. L'absence de musique est habile et donne paradoxalement du rythme et de l'intensité aux scènes d'"action".
Hard Candy est un joyaux brut, si bien que l'on peut se demander comment écrire une histoire de cette manière en faisant d'un criminel inhumain un personnage auquel on s'attache car le vrai piégé dans l'histoire c'est bien le spectateur. L'interprétation fabuleuse des acteurs rend d'autant plus cruel ce conte aux faux airs de Chaperon rouge car le loup semble ici agneau. A défaut de blâmer couramment le manichéisme (ça on sait faire), Hard Candy nous prend à contre pied : véritable film oxymore comme l'indique son titre, il pose mine de rien pas mal de questions sur ce que nous sommes - et plus particulièrement sur notre côté "hard" - ainsi que le regard que l'on porte sur le monde. En bref, un premier film hallucinant, tout simplement.
Réalisé par David Slade
Avec Patrick Wilson, Ellen Page, Sandra Oh
Film américain | Durée : 1h43
Date de sortie en France : 27 Septembre 2006
27 novembre 2009
Hard Candy
21:32
Jérémy
6 avis gentiment partagé(s):
Youuuhouuuu! =D
J'aimerais le voir ce film, mais j'hésite franchement par rapport au contenu "opératoire"...
Lance-toi, et dis moi si tu regrettes de l'avoir fait ! =)
CACA hard Candy !
Une bonne surprise que ce film !
Hello mate, great blog post
Enregistrer un commentaire