Alger des années 20, un rabbin, sa fille, un chat qui parle et qui souhaite organiser sa Bar Mitzvah. C'est le nouveau projet cinématographique de Joann Sfar, à l'origine auteur de bande-dessinées. Après avoir marqué le biopic avec un Gainsbourg, vie héroïque qui osait donner des airs de conte à un genre pourtant bien installé, cette fois-ci Sfar s'attaque à l'adaptation directe de l'une de ses œuvres dessinées. Accompagné d'Antoine Delesvaux à la réalisation, les graphismes adoptés prêtent leur style à une 2D proche de celle de Michel Ocelot avec cependant le thème dominant de la religion qui se distingue de toute comparaison formelle.
Gainsbourg, vie héroïque parvenait avec un naturel saisissant à mélanger une narration rationnelle à une forme fantasmée et introspective, de même que Sfar mélangeait déjà les deux tons dans ses ouvrages. Ici, la marque fantastique trouve son empreinte dans ce personnage de chat narrateur, figure improbable dans un contexte historique pourtant bien réaliste. Le dessin absorbe toute la forme, faisant de ce Chat du rabbin un vrai film d'animation au visuel rétrospectif et au doublage vivant.
Esthétiquement, le rendu est plutôt intéressant : contours prononcés, le trait du dessin épais est sensiblement similaire à celui de la bande-dessinée, à la différence près que la fluidité du mouvement anime le tout. Idyllique, peu novateur mais inspiré, le rendu visuel est satisfaisant. Cependant, la 3D trouve ici un nouvel écueil. Mettre en relief une animation empilée n'a strictement aucun intérêt esthétique, et mange dans le portefeuille...
Mais le relief ne semble pas le seul élément vain. Si Sfar et Delesvaux offrent un graphisme léché, la vraie problématique du Chat du rabbin est son récit cloisonné, jamais passionnant et très peu accessible aux enfants. Pour les plus grands, le regard raisonné sur la religion permet une critique pas inintéressante (le chef rabbin hystérique) qui, tout en restant appuyée, sert à une vulgarisation des conflits entre Juifs, Musulmans et Chrétiens, qui dédramatise finalement l'ambiance. Mais cette lucidité de regard ne fait pas tout : le film souffre de son scénario faiblard qui traine son spectateur à droite à gauche, sans oser une quelconque tension dramatique. Quel dommage, car décidément il est difficile de se passionner pour l'histoire de ce chat, passif, qui suit une troupe masculine peu attachante aux ambitions maladroites. Pourquoi ne pas avoir insisté sur le personnage féminin ? Cette quête coloniale est louable mais ennuyeuse. Si la première partie du film suit bien son cours, il faut avouer que la narration tombe crescendo dans l'ennui... jusqu'à la fin qui n'en est, pour preuve, pas vraiment une, le générique arrivant de manière inattendue.
On attendait plus du Chat du rabbin et de son réalisateur césarisé, que cela soit dans le divertissement ou la surprise. Il faudra en fait se contenter de cette animation travaillée mais, malgré sa pertinence, statique dans son récit.
Réalisé par Joann Sfar et Antoine Delesvaux
Avec François Morel, Maurice Bénichou, Hafsia Herzi
Film français, autrichien | Durée : 1h40
Date de sortie en France : 01 Juin 2011
5 juin 2011
Le Chat du rabbin
13:41
Jérémy
7 avis gentiment partagé(s):
Perso j'ai eu l'agréable surprise en arrivant dans mon ciné habituel, de voir qu'il n'était proposé qu'en 2D. Je n'ai donc pas eu à revivre l'aspect "feuilles superposées" qui m'avait tant déplu dans "Titeuf" (très bon mis à part ça). Pour de la bonne 3D relief, je conseille "The Prodigies", qui sort mercredi.
Sinon, concernant le film en lui-même, si j'ai adhéré aux dialogues plutôt drôles, c'est vrai qu'il manque de rythme, et d'une histoire qui se tienne de bout en bout. Et je pense que tu fais bien de signifier qu'il ne s'adresse pas aux enfants. Perso j'y suis allé mercredi après-midi, et j'ai été étonné de voir dans la salle autant de gamins (d'à peine 6 ans pour certains), qui se sont donc emmerdés au bout d'1/4 heure.
difficile de conclure en effet, dans la mesure où la série de BD n'est pas terminé et se conclut tj par un frustrant "à suivre"
c'est vrai que le film n'est pas très équilibré (d'où l'ennui surement) et ce que tu dis de la 3D ne m'étonne pas... (j'ai opté pour la version plate de mon coté !)
je ne trouve pas trop ça pour les enfants non plus, mais j'ai lu une interview de sfar où il disait avoir opté pour la 3D justement pour décloisonner son film, le rendre populaire et familial... boarf !
c'est dommage, d'autant que j'adore la BD à la base...
Squizzz : Les enfants ne sont en effet pas le public idéal. La scène de meurtres en est la représentation formelle. C'est un peu dommage... 'Le Chat du rabbin' aurait peut-être gagné à élargir son public et assusmer son côté divertissement.
Phil Siné : L'argument sur la 3D me semble également peu convaincant. Je n'ai pas lu la BD mais il est vrai que cette fin soudaine frustre un peu.
Quoi rajouter ? Tout est dit. Beaux dessins, dialogues souvent savoureux mais quelle histoire ennuyeuse ...
Tout à fait d'accord (malheureusement !).
J'ia été davantage convaincu que toi par ce chat impertinent, que je connaissais pas en BD. J'ia notamment aimé le travail des doubleurs. Bref, une belle surprise !
Peut-être que découvrir sur l'écran une BD déjà lue peut rendre plus attrayant le spectacle... Moi je me suis assez ennuyé.
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