2 février 2011

Le Discours d'un roi

Grand favori aux Oscars, autant dire que l'arrivée du Discours d'un roi sur les toiles ne s'est pas fait discrète. Il est toujours bon de goûter le menu avant les récompenses. Ici, on pourra certainement les imaginer gratifiantes : Tom Hooper, populairement méconnu, surtout réalisateur au petit écran, signe un portrait original de George VI. Comme promis, le film étonne, surprend et finalement séduit.
Le scénario suit l'ascension de ce prochain roi qui, de la mort de son père à l'abdication de son frère ainé, peine à assumer le rôle suprême qui lui incombe en ce début de seconde guerre mondiale. En fait, le principal problème est son bégaiement...
Entrée directement dans le cœur même du sujet, Le Discours d'un roi a cette belle qualité de ne pas en dévier. Le scénario de David Seidler est d'une grande intelligence : sans faute, il trouve dès le début un équilibre entre légèreté et dimension dramatique. Hooper s'évertue à donner à sa mise en scène une élégance prononcée. Décors somptueux, beaucoup de plans serrés et à longues focales, le réalisateur lisse son sujet implacablement. Mais finalement, il n'étonne pas de ce côté. La forme épurée trouve en vérité son relief à travers ses personnages, merveilleusement interprétés par tous. Hooper sait filmer ses acteurs. Il sait surtout merveilleusement bien les diriger. La rencontre qui unie Colin Firth (décidément en pleine ascension depuis le film de Tom Ford) et Geoffrey Rush (parfait) détient en grande majorité la réussite de ce film. Sous cette mise en scène presque lassante de propreté, leurs séquences offrent ce brin de poésie, de folie et même d'absurdité que l'on attendait du Discours d'un roi. Loin des clichés du film mondain, le réalisateur rend intime cet univers de luxure et de privilèges en révélant magnifiquement l'homme derrière l'uniforme et les médias. Sans jamais rentrer dans la démesure comme Sofia Coppola avec Marie-Antoinette, il parvient tout de même à renverser encore plus efficacement cette balance qui, trop lourde, rend au combien ennuyeux les films historiques à dimensions... historiques.
Le Discours d'un roi est un vrai portrait de cinéma, celle d'une amitié passée mais finalement encore présente, tant dans les parenthèses méconnues de l'Histoire que dans son universalité désormais proposée. Car finalement ça marche, et sacrément bien. Malgré une forme peut-être parfois maniérée, parfois peut-être trop « oscarienne », Tom Hooper parvient à dépoussiérer le film historique que l'on avait jamais sentit aussi sensible et proche de nous. Et propose surtout une merveilleuse performance d'acteurs qui – cette fois sans aucun doute – équilibre le film dans sa justesse.


Réalisé par Tom Hooper
Avec Colin Firth, Helena Bonham Carter, Derek Jacobi
Film anglais, américain, australien | Durée : 1h58
Date de sortie en France : 02 Février 2011

13 avis gentiment partagé(s):

Squizzz a dit…

Belle critique, pour un beau film ;)

neil a dit…

Oui, tout à fait : la forme classique est tout à fait adaptée au sujet. C'est joliment réalisé et intéressant.

Jérémy a dit…

On est plutôt d'accord alors ;) .
C'est vrai qu'une forme classique semble s'imposer. Mais justement, je me demande si le film aurait mérité un grain de folie supplémentaire pour éviter de tendre parfois trop facilement vers le conventionnel... ?

Christophe a dit…

Le discours d'un roi est le parangon du film à Oscars. Tout est en effet parfaitement calibré pour lui permettre de triompher le 27 février prochain : une histoire vraie abordée sous l'angle de l'émotion, une reconstitution soignée et, surtout, une (magnifique) performance d'acteur.

La mise en scène de Tom Hooper ne contient pas de réelles fausses notes. Mais elle est aussi sans surprise. Loin de moi l'idée de stigmatiser son classicisme. Je suis le premier à affirmer que ce n'est pas un critère suffisant pour dédaigner une œuvre. Et je me suis suffisamment fait le défenseur, sur d'autres blogs, d'auteurs dit académiques pour ne pas me livrer ici à cette critique. Cependant, là où une Jane Campion, par exemple, sait émouvoir avec subtilité (voir le magnifique Bright star), Hooper recourt ici à des effets un peu ostentatoires. C'est le cas de l'usage qu'il fait de la musique. Prenons la fameuse scène du discours. Trop présente, la partition de Beethoven accapare entièrement l'attention du spectateur, diluant ainsi le potentiel émotionnel du texte de l'allocution et du jeu de Collin Firth .

Par instant, toutefois, Hooper se laisse aller à plus de fantaisie. Malheureusement, ses efforts de stylisation, faute d'être maitrisés, se révèlent assez souvent hasardeux. Ainsi, lorsque George VI quitte la salle d'accession pour se présenter devant les dignitaires du royaume, les prises de vue alternant plongées et contreplongées, censées rendre le malaise du nouveau souverain, sont pour le moins maladroites. Pourquoi cette théâtralité inutile ? Pour quelle raison le cinéaste n'a-t-il pas fait confiance au talent de son acteur ?

Sur le fond, on pourra être dérangé par la tentation hagiographique de ce biopic. Car même si Hooper montre parfois le tempérament colérique du duc d'York, l'image que l'on nous donne de lui est tout de même un peu lisse. De plus, on regrettera que le cinéaste n'ait pas eu l'ambition d'approfondir davantage la question de la communication en politique. Ce n'était évidemment pas le thème du film, il n'empêche, cela lui aurait donné du corps. D'autant que le sujet s'y prêtait, puisque l'époque évoquée ici vit l'émergence de la radio et fut marquée par une opposition entre un roi bègue et un orateur terrifiant. Sur ce dernier point, on relèvera cependant la belle remarque (presque un peu envieuse) de George VI au sujet d'Hitler : Au moins, lui, il sait parlé.

Malgré tout, Le discours d'un roi est un spectacle humainement touchant, car porté par des acteurs en état de grâce. Colin Firth est réellement habité par son personnage rongé par des responsabilités qui l'écrasent. Aussi serait-il étonnant que l'Oscar lui échappât. Geoffrey Rush est également parfait. Et l'on est heureux de voir qu'il est descendu -hélas, temporairement !- du Black Pearl. Helena Bonham Carter, dans un registre plus sobre que ses dernières prestations, et enfin à visage découvert (après La planète des singes, Sweeney Todd, Alice au pays des merveilles ou Harry Potter, on finissait par ne plus savoir à quoi elle ressemblait !) illumine cette histoire par sa beauté. Ce film nous offre aussi le grand plaisir de revoir Claire Bloom, inoubliable interprète de Thérèse Ambrouse dans Limelight, ici dans la rôle de la reine Mary. Timothy Spall en Churchill est en revanche moins convaincant. Sans doute un problème de ressemblance...

Au final, Le discours d'un roi est un film agréable et raffiné, bien qu'un peu trop sage.

Jérémy a dit…

Trop sage, oui certainement.

Le Beethoven sur le discours c'est vrai que ca a quelque chose d'archi conventionnel, surtout que comme tu le dis la musique est bien appuyée. La BO du film emprunte peut-être un peu trop dans le classique... Ce qui éloigne 'Le Discours d'un roi' de sa qualité première d'être un film historique original.

Bon, le passage plongée contre-plongée ça m'a pas particulièrement choqué... Tu veux parler des travellings en point de vue subjectif ?

Je ne sais pas si le personnage parait finalement un peu "lisse". Hooper et son scénariste s'attachent finalement à quelques facettes du personnage. 'Le Discours d'un roi' n'a pas la prétention, je pense, de dresser un portrait complet de George VI. Mais simplement de le faire découvrir sous un jour singulier et plutôt méconnu (moi j'avoue que je ne savais rien du père de la reine Elizabeth...). Je trouve que ça marche bien, si l'on accepte cette idée.

Sinon on est d'accord sur les acteurs, somptueux. J'ai pas parlé de Bonham Carter, que j'adore pourtant. C'est vrai que de la redécouvrir sous un air plus naturel est assez plaisant. Mais loin de moi l'idée de critiquer les rôles que lui donne son mari dont je suis un grand admirateur :b (sauf peut-être pour la reine d''Alice'...).

Christophe a dit…

Pour Bonham Carter, je ne critique pas ses rôles chez Burton. Bien au contraire, même dans Alice, qui, contrairement à beaucoup, m'a plu. Simplement, je trouve agréable de la revoir au "naturel"... Je n'ai aps cité aussi Derek Jacobi, que j'aime beaucoup, et que l'on vient de voir deux fois en ce début d'année (Au-delà).

Oui, je parle du travelling en vue subjective. En fait, je ne suis pas très habitué au vocabulaire technique, donc je ne sais pas trop comment qualifié ces effets...

Wilyrah a dit…

Classique et académique, mais doté d'une certaine sensibilité qui m'a beaucoup plu. La distribution également est remarquable !

Jérémy a dit…

Christophe : Je ne déteste pas non plus 'Alice' en tant que divertissement, mais en tant que Burton ça tombe un peu dans l'édulcoré planplan Disney, je trouve.

Wilyrah : Tout à fait d'accord ;) .

Silice a dit…

J'ai trouvé ce film très très réussi. Je m'attendais à un bon film pas à un très bon film mais chaque plan est soigné comme tu le dis, les visages ne sont jamais au centre de l'image à part dans le discours final. La musique est juste parfaite et colle totalement au film mais c'est surtout les acteurs plus que le sujet ou la mise en scène que le jeu d'acteurs ! Impressionnant et coloré. Son oscar ne serait pas volé même si ce film ne brille pas forcément par son anti-conformisme et son originalité.

Jérémy a dit…

Oui, l'oscar ne serait pas volé... mais pas tellement surprenant pour le coup !

Sebmagic a dit…

Un final vraiment très puissant, tellement que l'autre jour au ciné, j'ai revu la bande-annonce et j'en avais des frissons partout ! Chose qu'elle ne m'avait pas procuré avant de voir le film.

C'est à se demander si les bandes-annonces ne devraient pas plutôt se regarder après qu'avant.

Jérémy a dit…

Moi aussi j'ai revu la bande-annonce après coup elle m'a fait frissonner !

Après, bon, le but de la bande-annonce c'est justement d'"annoncer" le film lol (et occasionnellement de le sublimer ou de le révéler totalement... mais c'est un autre débat).
Mais si ça te touche particulièrement tu peux faire l'effort de ne plus voir de BA avant le film (couvre toi les yeux et bouche toi les oreilles au cinéma, ou arrange-toi pour débouler toujours 15 minutes après l'horaire :b)

inthecrazyhead a dit…

Bonjour !

Juste avant de commencer, je tenais à préciser que tu écris d'excellentes critiques, directes et claires. Je viens de tomber sur ton blog par le biais d'un autre & je ne suis pas déçue par cette découverte :) !

Pour le Discours d'un Roi, j'ai fortement apprécié ce film, surtout grâce à sa réalisation que je trouve classique mais jamais pompeuse et dotée de quelques effets de style que certains trouveront maladroit mais que je trouve très réussis pour une première réalisation (faut quand même être un peu gentil à ce niveau-là ^^, à son duo principal d'acteurs vraiment touchants et parfaits dans leurs personnages et à un scénario qui à le mérite de ne jamais s'éloigner de son sujet principal tout en exploitant en parallèle quelques points historiques (abdication du frère ainé, discours final, ambiance extérieure, ...) sans que ceux-ci étouffent le sujet principal.

Bref, j'ai aimé si ce n'est pas adoré !

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