En 1951, après l'échec commercial de La Corde (pourtant respecté par la critique comme son précédent film à Hollywood Rebecca), Hitchcock signe avec L'Inconnu du Nord-Express - en anglais Strangers on a Train - un retour au thriller classique mais non pas moins efficace.
Guy Haines, un sportif de haut niveau, rencontre dans un train un inconnu répondant au nom de Bruno Anthony qui lui propose un étrange et macabre projet : s'échanger les meurtres que tous deux aimeraient commettre. La femme de Haynes pour Anthony, le père d'Anthony pour Haines...
Dans une magnifique séquence d'ouverture, les pieds anonymes des deux protagonnistes se rapprochent pour enfin se percuter une fois assis l'un en face de l'autre dans le train. L'anonymat se lève entre eux deux, et déjà le pacte avec le diable est en marche. Telle une malédiction, cette rencontre avec ce mystérieux Anthony sert de base à Hitchcock pour la mise en place du suspens, avec toujours ce même jeu complice envers le spectateur. Ce dernier apprend alors la fougue du personnage avant Haynes, dans une scène de meurtre en pleine foire foraine où s'exalte l'insouciance collective. Une fois Haynes piégé et au courant, tout l'intérêt est de masquer l'information aux autres personnages car il en va de sa survie.
L'intrigue, très simple, sert à un scénario habile qui multiplie les possibilités, les péripéties et les retournements, dans un ensemble équilibré et sans temps mort. Hitchcock embellit ce travail d'écriture avec une mise en scène efficace, jouant déjà beaucoup sur les gros plans inquiets de ses personnages et l'angoisse de certaines scènes avec une utilisation particulière des ombres. L'Inconnu du Nord-Express étend le temps à son maximum pour intensifier un suspens maitrisé avec brio, l'utilisation d'un match de tennis monté en parallèle avec une main cherchant un briquet crucial - ancêtre de la boîte d'allumettes dans La Mort aux trousses - étant le paroxysme à cette ingéniosité précoce. Hitchcock innove et offre au spectateur un divertissement dont il est quasimment un des acteurs, pour l'emmener jusqu'au final, inoubliable, où comme à chaque fois justice est rendue. Techniquement impressionnante pour l'époque, cette séquence accélérée où l'ange se bat contre le démon dans un tourbillon de cris et d'angoisse, n'est pas prêt d'être oubliée dans la mémoire collective. Et c'est ainsi, au final de cette bataille due au hasard et gagnée par la quête du bien, qu'Hitchcock annonçait déjà ses autres futurs chefs d'oeuvre qui suivront dès le milieu de cette décennie, qui restera celle d'or de son cinéaste éternel.
Réalisé par Alfred Hitchcock
Avec Farley Granger, Ruth Roman, Robert Walker
Film américain | Durée : 1h40
Date de sortie en France : 09 Janvier 1952
24 août 2010
L'Inconnu du Nord-Express
18:19
Jérémy
7 avis gentiment partagé(s):
Tu connais mon enorme probleme avec Hitchcock... Je peux vraiment pas blairer ses films... Je suis conscient de son génie absolu en regardant ses films, et je piquerais bien volontier ses inovations en faisant des films. Mais je me fais chier : LES OISEAUX, JEUNE ET INNOCENT, VERTIGO, etc.. Je peux pas excepté certains dont L'INCONNU DU NORD EXPRESS, j'avais beaucoup aimé l'idée de depart ( reprise, dans un autre style, à la fin de BREAKING NEWS de Johnnie To d'ailleurs ) et je me suis, par la suite, vraiment éclaté. Et je suis d'accord pour la sequence finale : MAGNIFIQUE !
Oui, je n'avais pas oublié ton blocage vis à vis d'Hitchcock.
Par contre je ne savais pas que 'L'Inconnu du Nord-Express' faisait figure d'exception dans ton estime, c'est plaisant à voir !
Après bon, 'Les Oiseaux', 'Vertigo', 'Psychose', 'La Mort aux trousses', etc... (j'ai pas vu tous ses films encore quand même) sont des films pour lesquels j'ai beaucoup de respect et dont je ne me lasse pas de découvrir encore et encore.
Mais ce n'est pas très original de dire ça en tant qu'amateur de cinéma. Ta prise de position l'est beaucoup plus, je t'envie un peu pour ça ^^ .
Un film vu il y a longtemps, mais que j'avais beaucoup aimé. Comme la plupart des films du maître, même ses muets (disponibles en DVD chez Studio Canal). Quant à son génie, je pense qu'il ne porte pas à discussion. J'ai vu plus récemment Frenzy au cinéma, et je reste étonné par la fraîcheur de son inspiration, malgré son âge à l'époque...
Pas vu 'Frenzy'...
Mais je peux avoir accès à la quasi totalité des films d'Hitchcock. J'essaierai dans quelques temps de gommer les quelques lacunes que j'ai encore sur ce cinéaste mondialement célèbre. En tout cas, tout ce que j'ai pu voir pour le moment (les films cités dans mon précédent commentaire) m'impressionne et me captive beaucoup.
Coucou Jérémy ! Je te conseille les films de la période anglaise (car on connaît surtout l'ami Hitch pour sa période américaine avec les chefs d'oeuvre comme La Mort aux trousses, Psychose, Vertigo...) notamment ces trois bijoux : Jeune et Innocent, Une femme disparaît et Les 39 Marches. Après, l'un de mes préférés de sa période américaine est La Maison du Docteur Edwards (Spellbound en VO), très psychanalytique et passionnant, j'aime beaucoup La Corde également, mais il faut absolument que tu vois Fenêtre sur cour qui est un des ses plus grands films! Quant à L'inconnu du Nord-Express, j'ai bien aimé quand je l'ai vu, notamment pour le jeu des acteurs et pour l'extraordinaire séquence finale (un cascadeur est même décédé lors du tournage de cette scène)! Je pourrais continuer à parler de Hitch pendant des heures alors j'arrête. Continue ce blog, c'est toujours très intéressant de te lire ! A bientôt
Tiens, je comptais le voir ce WE. Ton article tombe bien :)
Je découvre ton blog et je me régale. Bravo, très agréable à lire et visiter, de bons articles. Bonne continuation !
Pauline : Oui j'ai plein de films à voir encore... Bon 'La Corde' et 'Fenêtre sur cour' je connais déjà :) .
Wilyrah : Tu diras ce que t'en as pensé !
Merci pour tes compliments.
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