Fred et Renée Madison vivent dans une belle demeure mais leur vie de couple se meurt peu à peu dans le silence et la jalousie. Un jour, ils découvrent à leur porte une cassette vidéo : un inconnu filme leur maison de la rue, puis dans une seconde cassette va même jusqu'à filmer le couple endormi dans leur chambre. Paranoïaque, Fred sombre bientôt dans la folie à la vision de nouvelles images, le montrant hurlant sur le cadavre de sa femme, hâchée en morceaux... Jugé coupable du meurtre, il est condamné à mort et fait enfermé.
David Lynch, assurémment l'un des plus grands cinéastes contemporains, signe un nouveau long-métrage après avoir lancé le série Twin Peaks pour le petit écran. De son premier film cauchemardesque et torturé Eraserhead, à Elephant Man qui avait secoué les Oscars au début des années 80, celui qui avait préféré mettre de côté Le Retour du Jedi pour Dune et bientôt Blue Velvet et Sailor et Lula (Palme d'Or en 1990) n'avait pourtant pas marqué autant les esprits avec ce Lost Highway. Quinze ans plus tard, le fait reste encore plus étrange. Drame fantastique à tendance schizophrène, le film se fait le véritable précurseur des prochains Mulholland Drive et Inland Empire. Sans doute pas assez prêts, moyennement réceptifs, le public et la presse sont sans aucun doute passés à côté de cette œuvre en ébullition, incompréhensible pour les plus téméraires, froidement linéaire pour les plus attentifs.
Lost Highway est le premier David Lynch à brouiller des pistes pourtant bien tracées. Il y a dans ce film (ce que l'on retrouvera dans les deux prochains, en mettant de côté Une histoire vraie) une volonté de morfondre deux grammaires cinématographiques opposées : d'abord celle d'un cinéma classique dans une mise en scène tournée avant tout vers ses acteurs - champs contre champs répétitifs, gros plans, raccords dans l'axe... - et celle d'une forme narrative sans cesse mouvante, d'apparence insaisissable, qui trompe le spectateur quand il se sent trop confortable. Si Mulholland Drive excellera dans ces intentions, Lost Highway s'impose déjà dans l'exercice de style. D'abord thriller fantastique qui atteint son climax lors de la séquence de "révélation", romance d'adultère entre un jeune homme et la femme tentatrice du boss, un certain M. Eddy qui propose même certaines séquences de film gangster... Lynch a ce même goût des inspirations, déjà frappantes dans Blue Velvet, qui ici amènent bien le spectateur sur une autoroute perdue, jamais claires sur la destination, en fait toujours à hauteur des protagonistes, dont le paroxysme de la forme (connue et acceptée) au fond (d'apparence invraisemblable) peut évidemment choquer. Mais derrière cette façade de non conformisme, se cache un vrai film d'auteur qui pulvérise les codes de narration et éblouie toujours de tant de précision, Lynch parvenant à donner à ses films aussi complexes soient-ils une assurance et une maitrise qui déconcertent autant que la logique mystifiée de ses scenarii. Pour Lost Highway, de la direction d'acteur à la photographie, de la structure narrative à l'approche du son, tout s'harmonise pour donner à ce film aux mille thèmes (la place du créateur partagée entre David Lynch lui-même et ce personnage exorciseur, la seconde chance, le pouvoir sexuel féminin...) cette force singulière qui isole certaines œuvres des autres. Et autant dire qu'avec ce Lost Highway, rarement le cinéma aura été aussi perdu et confiant à la fois.
Réalisé par David Lynch
Avec Bill Pullman, Patricia Arquette, Balthazar Getty
Film américain, français | Durée : 2h15
Date de sortie en France : 15 Janvier 1997
David Lynch, assurémment l'un des plus grands cinéastes contemporains, signe un nouveau long-métrage après avoir lancé le série Twin Peaks pour le petit écran. De son premier film cauchemardesque et torturé Eraserhead, à Elephant Man qui avait secoué les Oscars au début des années 80, celui qui avait préféré mettre de côté Le Retour du Jedi pour Dune et bientôt Blue Velvet et Sailor et Lula (Palme d'Or en 1990) n'avait pourtant pas marqué autant les esprits avec ce Lost Highway. Quinze ans plus tard, le fait reste encore plus étrange. Drame fantastique à tendance schizophrène, le film se fait le véritable précurseur des prochains Mulholland Drive et Inland Empire. Sans doute pas assez prêts, moyennement réceptifs, le public et la presse sont sans aucun doute passés à côté de cette œuvre en ébullition, incompréhensible pour les plus téméraires, froidement linéaire pour les plus attentifs.
Lost Highway est le premier David Lynch à brouiller des pistes pourtant bien tracées. Il y a dans ce film (ce que l'on retrouvera dans les deux prochains, en mettant de côté Une histoire vraie) une volonté de morfondre deux grammaires cinématographiques opposées : d'abord celle d'un cinéma classique dans une mise en scène tournée avant tout vers ses acteurs - champs contre champs répétitifs, gros plans, raccords dans l'axe... - et celle d'une forme narrative sans cesse mouvante, d'apparence insaisissable, qui trompe le spectateur quand il se sent trop confortable. Si Mulholland Drive excellera dans ces intentions, Lost Highway s'impose déjà dans l'exercice de style. D'abord thriller fantastique qui atteint son climax lors de la séquence de "révélation", romance d'adultère entre un jeune homme et la femme tentatrice du boss, un certain M. Eddy qui propose même certaines séquences de film gangster... Lynch a ce même goût des inspirations, déjà frappantes dans Blue Velvet, qui ici amènent bien le spectateur sur une autoroute perdue, jamais claires sur la destination, en fait toujours à hauteur des protagonistes, dont le paroxysme de la forme (connue et acceptée) au fond (d'apparence invraisemblable) peut évidemment choquer. Mais derrière cette façade de non conformisme, se cache un vrai film d'auteur qui pulvérise les codes de narration et éblouie toujours de tant de précision, Lynch parvenant à donner à ses films aussi complexes soient-ils une assurance et une maitrise qui déconcertent autant que la logique mystifiée de ses scenarii. Pour Lost Highway, de la direction d'acteur à la photographie, de la structure narrative à l'approche du son, tout s'harmonise pour donner à ce film aux mille thèmes (la place du créateur partagée entre David Lynch lui-même et ce personnage exorciseur, la seconde chance, le pouvoir sexuel féminin...) cette force singulière qui isole certaines œuvres des autres. Et autant dire qu'avec ce Lost Highway, rarement le cinéma aura été aussi perdu et confiant à la fois.
Réalisé par David Lynch
Avec Bill Pullman, Patricia Arquette, Balthazar Getty
Film américain, français | Durée : 2h15
Date de sortie en France : 15 Janvier 1997