29 mars 2011

We Want Sex Equality

On le sait, les femmes sont souvent belles au cinéma. En révolution, elles le sont encore plus. We Want Sex Equality est un film aussi vif et optimiste que son titre, sorte de bourgeon sur un bitume froid et mate, une piqure de rappel encore malheureuse de pertinence.
L'intrigue s'installe dans une usine Ford de la région de Dagenham en Angleterre. Au printemps 68, alors qu'un vent de contestation grandit en Europe, des ouvrières décident de se mettre en grève en revendiquant un salaire mixte... A la tête du cortège, Rita, une femme de principes, « grande gueule grand cœur », qui conduit bientôt ses collègues et un bon nombre de femmes vers une révolution inattendue.
Les Anglais savent mieux que quiconque raconter des histoires aux dimensions socio-politiques et, sans le dénaturer pour autant, alléger le ton pour garantir le divertissement. De ce côté, We Want Sex Equality n'a rien à envier au grand Mike Leigh. Reconstruction parfaite des sixties, casting dynamique et claquant, le film fait sourire dès les premières minutes. A bicyclette jusqu'à l'usine, robes et jupes à coupe droite à volonté, au cinéma les sixties seront définitivement éternellement à la mode ! Mais Nigel Cole, le réalisateur, ne s'arrête pas à la précision du contexte. Il conduit un scénario brillant et léger - de manière toutefois classique en enchainant les champs contre champs à longue focale - mais donne à travers une direction d'acteur parfaite les couleurs dont nécessitait le script de William Ivory. La grande qualité de We Want Sex Equality est de tenir tout le long une atmosphère quasi édulcorée, proche de la comédie musicale, tout en donnant aux séquences d'émotion une intensité dosée. Le film de Cole parvient également à concilier la gravité universelle et personnelle sans fausses notes, emboitant subtilement les petites et la grande histoire. En ressort le personnage de Connie, perçante, magnifiquement interprétée par Geraldine James, qui symbolise tout le long l'importance de la situation et du thème abordé pourtant proposé avec humour. Sans oublier la protagoniste Sally Hawkins, so british, une nouvelle fois brillante de vérité, ou Bob Hoskins, personnage spectateur très agréable.
A travers son approche intelligente, jamais dans le superflu encore moins dans la pauvreté, ou pourrait, pour pinailler, reprocher à cette belle chronique de ne pas beaucoup oser esthétiquement. La caméra de Cole reste souvent fixe, très peu mouvante, et si le cadre reste soigné cette stagnation fait contraste lors des séquences de mouvement. Autre immobilité, celui du personnage de Barbara Castle, la femme politique interprétée par Miranda Richardson (so british elle aussi) qui prend malheureusement de l'importance uniquement à la fin, si bien que son choix apparaît comme un cheveux dans la soupe. Mais entendons-nous : cette soupe là fait partie de celle dont seules les meilleures grand-mères ont la recette. Celles aussi douces qu'éclatantes de saveurs, aussi peu parlantes d'aspect qu'irrésistibles une fois goûtées. We Want Sex Equality nous rappelle avec amusement et justesse qu'une femme est forte, dangereuse quand on en doute. Les femmes sont belles au combat. En fait, elles le sont tout simplement.


Réalisé par Nigel Cole
Avec Sally Hawkins, Bob Hoskins, Rosamund Pike
Film britannique | Durée : 1h53
Date de sortie en France : 09 Mars 2011

28 mars 2011

L'Agence

David, un politicien en pleine ascension, fait la rencontre d'une jeune femme, Elise, dont il tombe amoureux au premier regard. Problème : l'Agence, une société secrète qui contrôle la destinée des gens, n'a pas prévu cette alternative...
C'est le premier film de George Nolfi, qui se voit diriger un duo d'acteurs talentueux - Matt Damon parfait, Emlily Blunt peut-être trop rare -, sans doute facilité par sa carrière de scénariste à Hollywood (Ocean's Twelve et La Vengeance dans la peau ont coulé de son stylo). Premier essai en terrain connu, Nolfi semble porter le projet à cœur : également producteur et scénariste, cette adaptation du roman de Philip K. Dick a le bon goût de paraître un projet ambitieux.
Ce n'est en tout cas pas l'ambition que l'on reprochera à L'Agence. Plaidoyer contre l'individualisme de nos sociétés modernes, dominance du libre arbitre démocratique et porteur d'espoir, le film aborde et touche des thèmes précieux. Ceci tout en se jouant d'une réalité paranoïaque, processus qui a fait le succès de plusieurs long-métrages contemporains tels que Matrix, Minority Report ou Inception pour ne citer qu'eux. Le procédé est connu, inscrit dans l'inconscient appréciatif du spectateur fidèle, mais c'est ici que le film trouve sans doute sa meilleure qualité. L'Agence, au contraire de ses prédécesseurs, est une vraie romance assumée. Agréablement léger en action, le scénario de Nolfi s'articule autour de ce couple impunément réuni, à la fois dans le Plan établi, mais aussi dans ce blockbuster que l'on attendait peut-être plus facilement musclé. Au contraire, le réalisateur opte pour une approche sentimentale, sorte de comédie romantique perturbée par les rouages d'un thriller machiavélique. Étonnant. Si cette originalité assure un divertissement sympathique, elle n'en est pas moins dénuée de défauts, comme un prototype aux engrenages perfectibles.
Tout d'abord, par effort de jouer l'évidence amoureuse, le film tombe souvent dans une simplicité très archétype : le première rencontre entre les deux tourtereaux s'enflamme aussi vite qu'une allumette dans une bonbonne de gaz. Le coup de foudre, oui ! Attention à ne pas prendre l'expression trop au sérieux quand même, faute de crédibilité. Si Damon et Blunt parviennent avec une facilité consternante à nous faire attacher, l'idylle se fait souvent rattraper par des impasses scénaristiques difficiles à digérer comme la déclaration d'amour finale sous la hache de l'ennemi qui devient un peu risible... Puis vient le twist, en fait conclusion hasardeuse et mièvre surenchéri par une voix off qui nous explique la morale que l'on avait déjà compris.
C'est dommage car on aurait voulu apprécier davantage cette course effrénée contre l'impossible, cinématographiquement efficace dans ses séquences de portes ouvertes à l'infini, et contre ces anonymes de l'évidence sortis tout droit de la filmographie d'Hitchcock. Pour enfin donner au vaste paradoxe de l'union (provocateur possible de la force... comme du pire), une noblesse plus parlante. Mais l'ambition ne fait pas tout.


Réalisé par George Nolfi
Avec Matt Damon, Emily Blunt, Michael Kelly
Film américain | Durée : 1h47
Date de sortie en France : 23 Mars 2011

24 mars 2011

Ma part du gâteau

Nouveau Klapisch qui, après Le Péril jeune, L'Auberge espagnol ou Les Poupées russes revient derrière la caméra pour un nouveau film mettant en scène les non moins connus Karin Viard et Gilles Lellouche. La première est une mère de famille durement licenciée de son entreprise à Dunkerque. Sur un coup de tête, elle part à la capitale et trouve un boulot de femme de ménage. Le second est le trader qui l'embauche, un homme froid régi par l'argent, les bourses et les chiffres indescriptibles. Un monde les sépare mais ils partagent le même toit le temps d'un instant, et d'un film.
Cédric Klapisch nous avait habitué à rire davantage dans les salles obscures. Malgré ses respirations de légèreté, Ma part du gâteau grince un peu plus que les autres. Si le bordel du monde n'a pas changé à celui présenté dans L'Auberge espagnol, ici le réalisateur rentre totalement dans le sujet, jusqu'à se diriger vers des archétypes parfois border line, pour parler franglais comme bon trader qui se respecte. Car il y a rapidement un peu de réchauffé dans ce scénario simpliste, qui se concentre sur une rencontre oxymore et bientôt tragique. France, terrienne, adorable, adoucie Steve, macho côté en bourses qui fait la gueule quand une modèle refuse de coucher le premier soir... Alors évidemment, elle devient sa conseillère de cœur. Du coup, Klapisch semble s'incliner facilement à l'écriture de ces séquences de partage qui apparaissent finalement aussi artificielles qu'elles le sont vraiment. On ne s'ennuie pas, mais dans un coin de la tête on pense aux dialogues savoureux de Tomasi, Xavier et leurs potes. La forme est aussi radicale que le fond, à en devenir gênant. L'intrigue aurait certainement gagné à être plus ouverte tout en n'empêchant pas le propos de rester impartial.
Les cumulus présentés, parlons désormais du soleil qui s'y cache derrière. Car malgré ce cloisonnement austère dont nous a peu habitué le cinéaste, Ma part du gâteau reste un bon film, plaisant et plutôt pertinent. Son duo de comédiens fonctionne parfaitement, et évite à la caricature de gâcher le spectacle. Karin Viard est particulièrement vraie dans ce rôle de mère populaire, tendre bien que malmenée, au prénom pas si innocent. Derrière ses fautes d'orthographe, le film parvient à trouver une justesse bienvenue, même dans son élan romanesque final qui laisse dévoiler à sa protagoniste un sourire qui en dit long. Techniquement au point, servi d'une belle photographie, le film de Klapisch séduit peut-être un peu moins mais trouve largement son intérêt dans son époque. Tout le monde pourra, sans trop de problèmes, y trouver sa petite part du gâteau...


Réalisé par Cédric Klapisch
Avec Karin Viard, Gilles Lellouche, Audrey Lamy
Film français | Durée : 1h49
Date de sortie en France : 16 Mars 2011

23 mars 2011

World Invasion : Battle Los Angeles

Oubliez le luxe, le strass et les paillettes de la célèbre cité des anges. Dans World Invasion, Los Angeles devient une véritable terre de guerre entre marines américains voués à leur drapeau et des extra-terrestres sur développés voués à on ne sait trop quoi, si ce n'est nous mettre bien cher. Accompagné d'une promotion travaillée – notamment sa bande-annonce avec en fond musical une complainte électro brillante – le film a attisé la curiosité. Malheureuse fausse alerte, en vérité il ne se démarque en rien d'une production à l'industrie hollywoodienne...
Hollywood aime les êtres venus d'ailleurs qui nous sont hostiles, à se demander qu'est-ce qu'on leur a bien fait à tous ceux là ! En fait, l'usine à rêves aime surtout quand on arrive à les pulvériser avec la force et un brin de jugeote. Mais malgré ce schéma devenu durement caricatural, certains films récents parviennent à donner de l'épaisseur au spectacle : cauchemar réaliste à la Cloverfield, du remake La Guerre des mondes de Spielberg aux brillants et plus intimistes Signes de Shyamalan, palissent d'autres exemples industriels tels que la reprise du Jour où la terre s'arrêta ou le déjà oublié Skyline. Une fois consommé, World Invasion : Battle Los Angeles rejoint directement les dispensables du genre.
Caméra épaule, sorte de reportage télé sur les marines filmé par un véritable athlète, montage épileptique à faire vriller la rétine de Michael Bay (faut le faire), le film évite dès son exposition les faux semblants. Ce soir, laissez votre femme au lavabo, c'est de la testostérone dont il est question. Aaron Eckhart campe un sergent soucieux et vieillissant, qui se fait rattraper dans son footing par la nouvelle génération. C'est le meilleur plan du film, peut-être le seul qui nous donne le temps de le comprendre un peu. Car E.T et ses potes débarquent, et les marines (Reculez ? Jamais !) sont déjà sur le qui-vive pour sauver la population et faire un deuxième trou du cul à ces salopards venus d'ailleurs.
Tout est fait pour ne pas perdre le spectateur, en passant notamment par les clichés héroïques devenus risibles (le sergent que l'on croit mort après un acte de bravoure qui ressuscite au gré des flammes, les séquences émotions entre rancœurs passées de marines et larmes de gosses...) qui viennent donner des respirations artificielles à des séquences de guerre bombardantes mais d'une grande lassitude technique. La caméra à l'épaule au plus près des soldats c'est bien, mais à deux plans par seconde pendant deux heures faut tenir... même si les effets spéciaux, admettons, restent impressionnants.
Mais la plus grande faiblesse de cette science-fiction catastrophe reste son manque cruel de second degré. Eckhart agace de virilité et de manque d'humanité (le premier qui le voit sourire dans le film a le droit à un DVD de Mars Attacks !). Bref, ni inquiétant ni franchement passionnant, ce énième drame blockbusterien et patriotique a du mal à trouver sa place, et de l'intérêt même un samedi soir.


Réalisé par Jonathan Liebesman
Avec Aaron Eckhart, Michelle Rodriguez, Ramon Rodríguez
Film américain | Durée : 1h56
Date de sortie en France : 16 Mars 2011

13 mars 2011

Festival d'hiver 2011

Du 26 janvier au 14 mars, Chris du blog allociné Christoblog, a organisé un festival d'hiver composé de 10 films dont les sorties s'étalent à la période citée.
Participant pour la première fois à ce petit festival de bloggeurs cinéphiles (il y a une dizaine de participants), le moment est maintenant venu pour moi de faire mon classement !

Black Swan
Le film le plus hypnotisant de son auteur, qui a su mêler la grâce à la monstruosité comme peu avant lui. Un vrai coup de cœur !

Carancho
Une jolie découverte venue d'Argentine qui, sans révéler un nouveau cinéma, marque de sa justesse et sa pertinence. Mon joker de ce festival ;) .

Le Discours d'un roi
Pourtant académique, le film de Tom Hooper dépoussière pas mal le genre, l'Histoire ne nous ayant jamais semblé si proche. Une consécration discutable aux Oscars, mais un film largement à la hauteur de ses ambitions, notamment grâce à un scénario et une performance d'acteur irréprochables.

4
True Grit

Un western recyclé divertissant, qui a toutefois déçu plusieurs cinéphiles exigeant vis à vis des frères Cohen. Tout en reconnaissant préférer largement certains autres de leurs films, je me suis quand même bien éclaté. Yiiihaaaa !

5
Jewish Connection
Un premier film intéressant et prometteur (quoi que perfectible), qui confirme néanmoins la montée d'un Jesse Eisenberg prisé des producteurs.

6
127 heures
Un Danny Boyle qu'on a connu en meilleure forme puisqu'il semble un peu s'emmêler les pinceaux ici avec ce fait divers louable... mais peu adapté.

7
Angèle et Tony
Une comédie dramatique sincère mais qui peine à se démarquer dans un paysage cinématographique français gavé de ce genre de films.

8
Je suis un no man's land
Mal aimé de son public et de la presse, ce film titille de façon certaine notre bon goût. Bonne nouvelle pour moi, j'ai plutôt accroché au parcours de ce Katerine de fiction malgré de bonnes grosses lourdeurs. Mon petit coup de pouce à l'encontre de toutes ses tomates.

9
Tron l'héritage
Une prouesse visuelle certaine, qui customise un vide numériquement sidéral. C'est beau, niais, un peu chiant parfois... mais la rétine ne s'arrête pas de vriller. Un presque plaisir coupable.

10
La Permission de minuit
Un drame qui, à défaut d'éviter le pathos, tombe dans une rigueur émotionnelle et une complexité hermétique. Je-n'aime-pas-du-tout...

¤ En ce qui concerne les récompenses détaillées :

Les deux meilleurs acteurs
Colin Firth
Geoffrey Rush

Les deux meilleures actrices
Natalie Portman
Clotilde Hesme

Les deux meilleurs scenarii
Le Discours d'un roi
Black Swan

Les deux meilleurs réalisateurs
Darren Aronofsky
Pablo Trapero

~

Vous pouvez retrouver le palmarès global sur Christoblog à partir du mardi 15 mars.
Merci à Chris pour cette initiative sympa et au prochain festival de printemps ! ;)

La Permission de minuit

David est un médecin acharné, touchant la retraite du bout des doigts, qui s'occupe entre autres du jeune Romain, un enfant de la lune qu'il soigne depuis tout petit. Très attaché au garçon, pourtant David se voit accepter une mutation désirée depuis longtemps.
La jeune Delphine Gleize est plein de bonnes intentions. La Permission de minuit confronte une nouvelle fois Vincent Lindon à ce héros du quotidien qui lui colle à la peau, ici médecin profondément meurtri par un dilemme qui le divise entre son rêve personnel et son attache extérieure à ce jeune malade. Mais à défaut d'écarter sans concession le pathos et les facilités émotionnelles, Gleize fait rapidement basculer son drame dans une complexité distante et froide, que le rythme, plat malgré toutes tempêtes, vient douloureusement alourdir. Sans langue de bois, La Permission de minuit ennuie.
Le film ennuie d'abord par le traitement de ce protagoniste, tellement en retenu qu'il paraît intouchable. Lindon est encore une fois très bon, mais expert en son domaine. Sorte de Simon tout aussi convaincu que dans Welcome, il n'y a aucune surprise et, étrangement, aucun risque pris quant à la direction d'acteur. Le personnage de Romain frustre tout autant. La justesse du comédien s'oppose à la platitude de ses actions et cette pudeur hormonale si détestable au cinéma. C'est uniquement lors de cette scène, où corps à corps les adolescents se découvrent et se dévoilent, que quelque chose se passe à l'écran, du geste maladroit de Romain pour enlever le soutien-gorge à la remarque spontanément délicieuse de la jeune fille qui parle de son bronzage au sein. Ailleurs, la puberté est balayée, ne s'exprimant que dans des maladresses incongrues comme cette réplique vide de sens - « J'ai fait l'amour » - qui vient conclure le dernier entretien entre le médecin et son enfant malade. De même, Romain ne semble jamais convainquant lorsqu'impulsif et vexé il tourne le dos au médecin, ou lorsqu'il revient en récitant linéairement un texte qui pouvait pourtant avoir beaucoup de sens...
Mais surtout La Permission de minuit ennuie car, malgré son titre, il ne se permet rien. Les plus belles images restent les gros plans de ses comédiens, beaux à leur manière. Autrement, le montage vient parfois même à s'égarer dans un match de rugby ou dans une lecture de lettre en off, indigeste de sensiblerie. Ne restent alors que ces regards et ces moments de silence si bien amenés par Lindon, qui en disent beaucoup plus que les dialogues souvent maladroits.
Finalement, le film donne le goût amer d'un téléfilm service public acceptable dont seule la présence des acteurs justifie le ticket de cinéma. Or, malgré la redevance, allumer sa télé reste quand même économiquement moins frustrant que de regretter le précieux ticket...


Réalisé par Delphine Gleize
Avec Vincent Lindon, Emmanuelle Devos, Caroline Proust
Film français | Durée : 1h50
Date de sortie en France : 23 Février 2011

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